Organisée dans le cadre de l’exposition d’Elzo et Silio Dust, sérigraphes issus de Belgique et particulièrement inspirés, dans une déviance qui leur permet un rendu saisissant, la venue de Frustration à la Lune des Pirates a fait le plein, en toute logique vu l’impact live du groupe made in Born Bad.
La salle amienoise était même sévèrement garnie bien avant le début des hostilités et elle n’allait pas le regretter, la clique menée par Fabrice Gilbert, qui compte désormais dans ses rangs un bassiste picard branché sur 220, tapant d’entrée de jeu très fort, servie par un son impeccable, et piochant à l’envi dans une discographie inattaquable. Cold-wave, cold-punk, tout est froid certes mais de façon communicative et avec un groove, un allant que pour ce troisième ou quatrième « visionnage » live me concernant, je n’avais encore jamais connu à une formation pourtant déjà singulièrement percutante sur les planches.
Ce soir, ça joue remonté, en rangs serrés, l’humour est de mise aussi, on fait bloc en se singeant les uns les autres, avec la dérision, et l’auto-dérision, nécessaires. Les morceaux semblent décuplés par le jeu live, prennent de l’envergure, mordent et gardent les crocs apparents. Une vigueur punk anime le quintet, la foule se lance dans des pogos impulsés par la force des titres joués. Inutile d’ailleurs de les nommer, on connaît le registre de Frustration et ses « conséquences » sur l’assistance. On gesticule, je me martèle les genoux au rythme d’un enchaînement irrésistible, je lève la tête et aperçois l’historique Claire, en partance pour le Cargo de Caen, qui visiblement en prend elle aussi plein les écoutilles avec le plus grand plaisir. Merci à toi Claire, merci également à Rachel qui regagne son sud préféré. Le temps de cette vision/pensée émue, le regard se porte à nouveau sur la scène, balaie le public; personne, pour le coup, ne s’amuse à filmer ou photographier avec son dispensable portable. C’est Frustration, sans Frustration aucune, qu’on regarde, on n’en rate pas une note et aucune d’elles ne dénote. C’est bon, plus que bon et si comme le dit ma voisine « les fans de Joy Division seront servis », c’est à vrai dire la totalité des spectateurs qui sera comblée, les vedettes du soir possédant une identité propre et une force de frappe plus qu’estimable, qui outrepassent le cadre d’une simple copie du combo de Ian Curtis.
Ils n’en finiront d’ailleurs pas de jouer et rejouer, on quittera donc la Lune en y ayant laissé des plumes et c’est bien ce que l’on cherchait en en poussant les portes à l’orée d’une soirée une fois encore marquante.
Photos William Dumont