Année Lumière, joli nom prémonitoire d’un contenu spatialo-cosmique élaboré par l’amienois Antoine Agricola, ex-Beyonders, avec sa compagne Sarah Mille et quelques amis, initiés ou pas, et sous la conduite de l’excellent David Martin Angor.
Un univers, retranscrit avec charme par ce sept titres à ranger dans la rayon des Objets Sonores Inconnus, teinté d’electro-pop céleste ou plus appuyée (Bouteille à la mer). Un petit monde diablement accrocheur, exutoire aussi, qui met en scène des animaux bienfaisants, aux pouvoir inédits, et permet le voyage immédiat, le tout dans une simplicité décisive. Claviers guillerets en nappes prenantes, dualité des voix gracieusement mélodiques, attrait d’une pop à la Elli & Jacno, élans gentiment colds, doux-amer d’un disque « transporteur »: tout est réuni pour imposer le patte d’Année Lumière. Le bâillement, rêveur autant qu’alerte, pose de suite les jalons d’ambiances singulières, qui recourent au Français avant de passer brièvement à l’Allemand (Die katze im sack, merveille pop-cold), Destination bestiale prolonge la fuite d’un quotidien délesté par des plages légères, un discours imagé et imaginatif. On ne regrettera qu’une chose, histoire d’ergoter et de mettre en perspective une « lacune », si tant est qu’il puisse ici en exister: la prudence de l’ouvrage, qui s’en tient la plupart du temps à des trames mélodieuses, sages en dépit de leur indéniable accroche.
Connaissant la clique et les gens qui la constituent, on sait ces derniers, en effet, capables de creuser plus en avant le sillon d’un créneau cependant déjà personnel, d’en bousculer la raison, d’en accroître l’espièglerie et la déviance sonique.
Pour l’heure, il nous reste un enchaînement de haute volée, une carte de visite avenante à laquelle contribuent une ingéniosité dans les sons et les climats (Orig’amis et sa douceur pop, un nuageux/ombrageux puis alerte Quotidien canin, excellent), dans les cadences, variables, et de façon générale un étayage chatoyant. L’équilibre entre organique et synthétique est affirmé, on n’en attendait pas moins s’agissant de tels intervenants mais la rondelle éponyme fait du bien là elle tourne, dans l’attente d’essais plus encanaillés encore. Sans se départir bien sûr d’une matière individuelle à laquelle un rugueux Le russe polaire, aux motifs encore une fois bien pensés (les guitares, ici, mettent en joie avec trois fois rien, un peu à l’image d’ailleurs de la totalité du disque et à l’instar de séquences electro parfaites, sans rajout superficiel) met un terme dans une belle intensité. Pour une copie réussie donc, perfectible aussi mais qui honore déjà grandement ses géniteurs, pour la plupart aguerris et talentueux, et qui en apportent ici la preuve sonore.