Découverte, en ce qui me concerne, à l’Ouvre-Boite de Beauvais lors d’une première partie de Boogers dont elle partage l’esprit libre et aventureux, « cheap » aussi, la « fratrie à deux » Ropoporose sort quelques mois après cette prestation belle et sonique un premier album qui, lui aussi, va marquer son monde.
Elephant love, ledit objet, mêle en effet douceur et élans noisy (Moïra, tremble défunt Sonic Youth!), offre un début impeccable: Day of May, délicat, distingue d’emblée ces deux complices dont le total des âges n’atteint pas même la quarantaine. Véritable sucrerie poppy/arty, il se décline en deux temps; d’abord retenu puis plus rythmé, avec une dualité vocale qui le fait grimper vers les sommets. Le genre de bonbon pop qui donne l’envie de remettre la main dans le paquet, dont on extrait alors Desire, splendide. Rêveur et saccadé, frais et juvénile, exalté puis prenant appui sur une accalmie qui met à nouveau en évidence l’impact des chants complémentaires de Pauline et Romain. Des cuivres posés étoffent l’ouvrage, d’une sincérité à toute épreuve à l’image de cet ensemble déjà probant.
Passé le Moïra cité plus haut, Whu-whu fait lui dans la finesse, le climatique ombrageux/lumineux, qui s’emporte sans se délester de sa décisive douceur. Adroits dans l’élaboration des ambiances, recourant à des boucles comme « charpente » des morceaux, les Ropoporose surprennent, évitent les chemins balisés sans que leurs propres destinations s’avèrent excessivement tortueuses. Un Empty headed fougueux, truffé de motifs géniaux, surligné par le chant gentiment espiègle de Pauline, taille ensuite dans une étoffe bruitiste et alerte. Les ressortissants de Vendôme font feu de tout bois, Elephant love étincèle et pétarade tout en se montrant élégant.
C’est justement Elephant love et sa sensibilité écorchée à la Shannon Wright qui prolonge le charme, dans cette fureur sonique rentrée, mesurée. La paire nous bluffe par sa maîtrise, nous enthousiasme par son refus des codes établis, se fait ouvertement « Sonic » sur la seconde partie de ce morceau, pour ensuite livrer un Consolation que la soeur introduit par son chant narratif, attachant, et qui s’extirpe ensuite de ses penchants ouatés pour laisser libre à cours à la déviance, obscure et bricolée avec ingéniosité. On ne cherche alors plus à résister, on a depuis le début ou presque « capitulé » devant le savoir-faire dépouillé et étayé à la fois de la paire. My god en remet une couche dans l’envoûtement vocal, dans la justesse de son ornement, hausse la cadence et tutoie l’excellence des grands auxquels on pense ici.
Il ne reste alors plus qu’à finir le boulot, 40 slates s’acquittant de la mission en commençant de façon quasi folk pour s’en tenir à cette trame qui voit, une fois encore, frère et soeur instaurer leurs voix parfaitement en phase. Ca se fait lo-fi sur la fin, ça touche au coeur autant qu’aux tripes, à l’instar du rendu général. Et alors qu’on croyait la partie finie, se profile un instrumental subtil et animé, valorisé par ses apparats de choix, en conclusion d’un disque brillant en tous points.