Centenaire, auparavant connu pour son registre « prog folk » puis « prog pop » qui teintait ses efforts précédents, sort son troisième album, Somewhere safe. Celui-ci est le premier sans Orval Carlos Sibelius, parti se distinguer en solo, et voit le trio durcir le ton en se faisant fuzzy et noisy, demeurant toutefois prog et conservant ses jolies ritournelles (Goodbye good times).
On pense à Yeti Lane pour ce côté cotonneux qui persiste, les élans aériens aussi, ces embardées de claviers (Somewhere safe, excellent à l’image du reste), mais le contenu est kraut, noise parfois, parfaitement amalgamé. Des coups de semonce soniques racés caractérisent l’opus, que la classe spatiale de Where to go honore d’entrée de jeu, le tout dans un climat sous-tendu qui promet d’exploser mais s’en tient à la retenue.En constructeurs confirmés, Damien de My Jazzy Child, Stéphane AKA Domotic et Aurélien Potier élaborent des pièces sonores complexes mais accessibles, balafrent avec brio leurs rêveries chantées (les claviers virevoltants et guitares énervées de When it all fell down, énième réussite signée des trois comparses).
Il va donc sans dire que le rendu est bon, marquant de surcroît une évolution dans l’avancée d’un groupe de toute façon jamais figé, jamais ligoté par la normalité musicale. On l’en loue, et on profite pleinement d’un disque qui se livre au fil d’écoutes répétées et exerce une indéniable attraction. Inside war trace puis breake avant de réinstaurer un tempo galopant, un chant soutenu et, autre atout de Centenaire, des gimmicks sonores enchanteurs. Maps can’t be wrong renoue avec une douceur vocale bousculée par un ornement fuzz mais de choix, le trio ayant le don de rester avenant dans ses dérapages, par ailleurs parfaitement orchestrés. D’influence évidente, ici, on ne parlera pas car les musiciens s’attachent à développer, avant toute chose, leur paysage musical. Lequel, orageux (The truth about those who pretent to be your friends, superbe intitulé, superbe morceau prog céleste et tendu), d’une beauté persistante, porte vers les sommets un ensemble de huit titres irréprochables. Que des accalmies bien amenées étayent joliment, avant que la déviance ne reprenne ses droits et que The underground n’apporte la touche finale, psyché/kraut et bardée de guitares accrocheuses, de synthés haut perchés, de voix qui semblent flotter dans l’espace (Ladies and gentlemen, we are floating in space, disait Spacemen 3).
Le tout avec panache, de façon griffue et distinguée et en suivant une démarche personnelle, pour un résultat bluffant.