Les deux disques précédents l’avaient démontré, Siskiyou se « pose là » en termes d’habileté à dresser des climats doucereux qui nous font grand bien, bousculés toutefois ça et là par des ouvertures noisy. Le nouvel album, Nervous, en est une nouvelle et bien belle illustration, Deserter et sa splendeur vocale, son écrin de légèreté, se confrontant à des sons plus sombres. Imparable, mélodiquement merveilleux mais aussi troublé, le morceau décrit bien le groupe et sa méthode, basée sur un penchant ouaté jamais ennuyeux, qui se frotte ici par exemple au saxo déchiré de Colin Stetson, invité de marque. Ce que l’on attend d’un album -climats prenants, émotion dénuée d’ennui, adresse à envoûter-, Siskiyou le possède et nous en régale là.
Prestance mélodique donc, ressenti sincère, finesse doublée d’incursions moins « pures », tout est réuni et on atteint parfois le niveau d’un Arcade Fire dans l’émotion (Bank accounts and dollar bills). On sème aussi le trouble dans une pop sereine (Wasted genius) en en secouant l’apparente tranquillité, on fait dans la finesse sous-tendue (Violent motion pictures): tout réussit à cette clique douée, qui truffe sa palette de sons inédits (ici encore, le sax de Stetson fait mouche, de même que la trompette de JP Carter). Un océan de suavité réchauffe le coeur, tourneboulé cependant par de jolies souillures ou un fond obscur (Jesus in the 70’s).
On l’aura compris, Siskiyou joue sur les oppositions, qu’il fait alliances, et livre un contenu de toute beauté, enchanteur (la pop-folk « choralisante » d’Oval window). Le titre éponyme marque un point culminant dans la distinction vocale, dans le chatoyant aussi, Imbecile thoughts fait de même mais dans l’agitation, dans le sonique même. Inutile de chercher à résister, Nervous conquiert l’auditoire sans forcer. Il exhale à nouveau, sur Babylonian proctivities, une subtilité troublée avec soin, puis prend fin avec un court Falling down the stairs, dédié à une émotion cette fois apaisée, et apaisante. Et aura au passage livré son lot d’émois, forts et « soyeux », pour au final réjouir grandement ses amateurs.