Tiens donc, un revirement! La soi-disant insoumise Mademoiselle K se met à l’Anglais dans le chant, change de musiciens, se met à la basse , s’habitue aux scènes à trois et fonde son propre label, Kravache. Belle(s) initiative(s) quand on connait le creux de son registre d’avant ce Hungry dirty baby supposé, donc, plus offensif. Et en toute logique, des prestations scéniques loin de percuter (celle du Zénith d’Amiens en 2011, en conclusion du Picardie Mouv, était justement dans cette lignée).
Ici, on marche d’abord sur les plates-bandes de PJ Harvey (I can ride a fucked up bull introduit l’album sur un ton doux-amer classieux que l’Anglaise n’aurait pas renié). C’est de bon augure, l’opus ne mord pas encore vraiment mais le niveau est respectable. Le tubesque Glory et sa pop-rock mâtinée de post-punk se charge de cela mais dans la mélodie proprette ; tubesque cependant, il faut le reconnaître, il maintient la pression et valide l’entrée en matière, solide. C’est l’un des atouts de la confrérie K, ces mélodies soignées prises dans le flux d’une pop-rock alerte, qui sans encore se montrer sauvage ni en faire des tonnes permet un boulot convaincant. Il y a d’ailleurs dans R U swimming? des ruades rock qu’on suivra, et qui voisinent dans l’harmonie avec de belles…harmonies.
Mention bien donc pour le trio inaugural, que Hungry dirty baby (fuck you) confirme dans ses dispositions avec un allant rock sous-tendu, puis plus évident et assez cinglant, qui fait son effet. Hungry dirty baby semble dès lors être une belle surprise et correspondre à un esprit nouveau, moins convenu, plus débridé, moins poli. Beau à l’écoute, Love robots souffle sa sensibilité et calme le jeu tout en créditant lui aussi l’oeuvre nouvelle d’une musicienne qui en plus a des choses à dire textuellement parlant. Et qui remet le collier rock franc pour un Laaa la qui fait danser en même temps qu’il riffe et sonne, quasiment, post-punk. Ca fait passer le titre suivant, ce Walk of shame un peu trop posé, cependant attractif car ne s’en tenant pas à cette unique sagesse. Les accalmies sont d’ailleurs largement minoritaires, l’énergie domine et on se réjouit de retrouver le groove d’une basse bien présente sur Ur now, porteur de ces mêmes effluves post-punk qui étonnent autant qu’elles ravissent ainsi que de guitares loquaces. Le virage est réussi, énergique, Watch me met à son tour en avant ce rock alerte et dansant, qui plus est bien chanté, qui singularise la « nouvelle » Mademoiselle K. Conformément à ses souhaits, la zone de confort est désormais bien éloignée, on nage en eaux plus troubles et si on n’en est pas encore en territoire complètement dérivant, le discours tient la route.
L’avancée lente de Morning song appuie le contenu, combine tension et élans mélodieux, la conclusion se faisant ensuite sous l’impulsion de la montée en puissance, sonique, de Someday. Conclusion, disais-je? Pas tout à fait puisqu’un bonus track (La mort), taillé dans un rock chanté certes en Français mais bien tranchant, prend part à un nouvel album sans failles tangibles, d’une belle intensité tout en se parant de mélopées qu’on garde en tête.