A l’heure où Buzz Osborne, fondateur des Melvins, décide de se la jouer solo et sous formule acoustique, on peut s’interroger, craindre même le pire. Mais on connait le gonze, sa capacité à bien faire et les dix-sept (ni plus ni moins) morceaux joués sur son excellent This machine kills artists suscitent en lieu et place des doutes de départ un enthousiasme irrépressible.
Son jeu offensif, sa voix caverneuse ou mélodieuse et les teintes bluesy batailleuses insufflées à son répertoire (Dark brown teeth, excelent début) s’acoquinent avec justesse, Rough democracy enchaîne en alternant rudesse et finesse, doublées d’un chant expressif. Voilà ce qu’on aimerait, plus souvent, entendre sur les efforts solo dits acoustiques: une dérive, une relecture du genre personnelle et aboutie. King Buzzo en livre ici une, parfaite, brute et subtile. L’ampleur de son jeu de guitare surprend et passionne, c’est presque un groupe unplugged mais ayant gardé son mordant qu’on a l’impression d’entendre. Virevoltant (Vaulting over a microphone) pour ensuite s’assagir, son instrument fait feu…de tout bois, son organe vocal l’accompagne parfaitement, avec un supplément d’âme et une profondeur que beaucoup lui envieront (New river).
En outre, ses chansons dépaysent, vous installent au coin d’un feu chaleureux, ardent même, dégagent un intimisme teinté de rudesse. The vulger joke riffe avec vigueur, on ose à peine imaginer ce que cela aurait donné en version électrique mais on oublie vite pour se reconcentrer sur des versions dénudées magistrales, parfois folk sans aucune vêture autre (Everything’s easy for you) si ce n’est cette voix reconnaissable, au timbre singulier. L’ornement de How I became offensive brille par sa sobriété, Instrument of God étend la durée sans perdre en puissance, bien au contraire. Sans polissage aucun, il résume le contenu, sans failles, innovant, positivement étonnant. Il fait cohabiter jeu vif et parties tranquilles sans le moindre écueil, il y a là, en peut-être plus accompli encore, la même qualité que sur les unplugged de Nirvana ou d’Alice in Chains, « collègues » d’une époque décidément porteuse. Une colère adroitement jugulée, à l’impact accru par l’acoustique, illumine The blithering idiot, la mélancolie drape Useless king of the punks et The hesitation twist nous régale d’une dernière salve mordante et de style, en conclusion à un album parfait de bout en bout, hautement recommandable.