Trio New-Yorkais basse-guitare-batterie, Hypercolor accouple rock et jazz en insufflant à son répertoire autant de sauvagerie bridée (Squeaks en ouverture) que d’élans plus feutrés, plus « normés ». Signé sur Tzadik, le label de John Zorn, gage donc d’une identité décalée, il a le mérite de proposer une union rarement barbante des deux genres, virtuose sans ennuyer (Chen). Assez incisif pour convaincre, l’opus éponyme déconstruit sans s’y ruiner, pose des climats dans lesquels on se glisse, chatoyants, racés (Ernesto, do you have a cotton box?), dotés d’une certaine énergie dans leur groove jazzy.
Cependant, une trompeuse et relative sagesse prévaut, de façon globale, Hypercolor sauvant la mise par l’entremise d’une grande habileté dans le jeu et la construction des morceaux (Glowering), de titres, aussi, courts et rentre-dedans (l’excellent Palace), et d’un panel au final diablement maîtrisé. Pétri de style (Far connection et sa finesse animée par la batterie de Lukas Ligeti, en parfaite symbiose avec la guitare inventive d’Eyal Maoz et la basse reptilienne de James Ligenfritz), le groupe développe là sa propre identité, pose les limites surement encore extensibles de son monde musical. On s’en contentera donc amplement, l’initiative étant encore rare, et on le suivra bien entendu dans ses élans versatiles, parfaitement représentatifs de son non-choix entre déviance et académisme dosé (Transist). La dispense de chant n’affecte pas le contenu, qui ne perd que très peu en impact sur le format pourtant étiré (plus de dix minutes) de ce Little brother spatial mais vivant et vivace, ou encore de Quixotic qui plie l’affaire dans une finesse psyché elle aussi probante et prenante.
Belle découverte donc, en conclusion, que ces Hypercolor éloignés de l’ennui que le jazz, même « fusionné », génère généralement.