Expérimentateur voué à la musique hors-normes depuis vingt ans, par ailleurs prof de maths, Emmanuel Mailly, Français, compose pour des compagnies, des poètes ou encore des musiciens. Rodeo ranger, son dernier album, se démarque quelque peu de cette optique dans le sens où il se veut la bande-son d’un western, toujours, cependant, dans le domaine expérimental. Onze essais le composent et d’emblée, une ambiance déjantée, basée sur un traitement ingénieux du son et des textures climatiques, est jetée. On est là en territoire blues, rock aussi, parsemé d’electro, grinçant et /ou lancinant. Entre, le premier morceau, pousse la porte d’un domaine singulier, ici bluesy mais au ralenti, fin et lo-fi, aussi, brut dans sa subtilité. Climatique, Rodeo ranger recourt à des battements electro (Blues two) greffés à un blues « des origines » qui se fend d’embardées soniques, puis livre un It’s pouring outside magnifié par le chant, cette fois présent, et une atmosphère mystico-feutrée, aux sonorités obscures et inédites, du plus bel effet.
De toute évidence, Mailly gagnerait à être connu, son brio dans le « test » vaut l’écoute et hormis ses deux interludes dispensables, tout est dans le cas présent de choix. Red moon insuffle une touche trip-hop dérangée qui, vite, se fait « griffer » par des grattes abrasives, d’obédience blues à nouveau. La recette est ajustée, Dirty boots pervertit derechef le blues avec maestria en l’enrichissant de palettes sonores inventives, décalées, et de parures par conséquent originales. Ce bruitisme maîtrisé laisse à l’occasion place à des copies plus feutrées (Blues solo new), plus aériennes, la cohérence demeure pourtant. On renoue d’ailleurs avec un couplage souillé/élégant sur Mingot jazz, ses motifs…jazzy balafrés par des touches bien évidemment tourmentées, imaginatives, puis le long format de Lefthander, après un court mais intéressant (frustrant car inachevé) Fucking bass V2, impose une trame indus de par sa répétition, dont on attend une implosion qui ne viendra pas. L’atout du titre est de rester dans une retenue simultanément sereine et animée, qui lui permet de maintenir l’intérêt huit minutes durant.
Enfin, Cowboy’s going out unit guitares bluesy et chant dream-pop avec succès, opposant ainsi le rêveur et le torturé de belle manière pour mette fin à un excellent opus, dont la quasi-absence de chant n’entache en rien le contenu, digne d’un intérêt constant.