La Dame, de toute évidence une Grande Dame nommée Lucinda Williams, en est avec ce double lp Down where the spirit meets the bone à son onzième album. Pour autant, je ne connaissais rien d’elle et à l’issue d’une première écoute, me voilà conquis par une voix, chaude et rocailleuse, qu’embrasse un panel allant de la country à la folk en passant par un blues-rock rugueux et des élans cajun.
Si les quelques morceaux plus déliés (Cold day in hell, un peu ennuyeux) sont moins captivants, force est de constater que le contenu, doté d’un début déjà flamboyant (Protection et son rock bluesy racé mais mordant accentué par le timbre de voix et les choeurs qui le soulignent, un solo sobre et pourtant killer, Burning bridges et son élégance pop-folk ou pop-rock dotée de ces même envolées délectables de six cordes, un West Memphis ombrageux à l’harmonica obsédant…), fait largement ses preuves. Il y a ici une chatoyance musicale, instrumentale aussi, les deux allant d’ailleurs de pair, aussi pure qu’abîmée (Foolishness), une énergie rock, aussi, qu’on accueille forcément avec joie. Tony Joe White, Davey Faragher (Elvis Costello) ou encore Ian Mc Lagan des Small Faces, pour faire, court, sont de la partie et interviennent avec une réelle pertinence.
Le premier cd perd légèrement en intensité (Wrong number, dispensable, un Stand right by each other à l’orgue lui aussi superflu et prévisible bien que doté de touches bluesy bien amenées, It’s gonna rain subtil mais trop délicat justement), mais l’excellent Something wicked this way comes, en ouverture du second volet, comblera vite la lacune, dans une veine blues-rock acérée avenante. On y oscillera d’ailleurs entre titres à l’impact sonique certain et travaux plus mesurés (Big mess et son blues plus « classique » de belle facture, un When I look at the world apaisé auquel succède un Walk on plus enflammé), mais l’équilibre entre le « percutant » et l’assagi est trouvé, l’éventail musical est ouvert et divers sans qu’on y perde ses écoutilles.
De ce fait, les plages country (Temporary nature (Of any precious thing)) passent sans écueil, d’autant plus que les rocks jouissifs (Everything but the truth, bourrasque salvatrice) lui succèdent. On soulignera, à nouveau, la valeur d’une instrumentation de classe (This old heartache), la constante chaleur rauque du chant, le refus d’un registre figé auquel Lucinda préfère clairement la vigueur. Laquelle demeurera donc, ou presque, jusqu’au dernier souffle d’un album capable de maintenir un niveau élevé sur la longueur (vingt morceaux à l’arrivée), et qui prend fin sur une chanson posée mais de belle facture (Magnolia), bouquet final d’un effort étonnamment -ou pas quand on connait l’artiste- abouti.