Assorti de tremplins départementaux dont les gagnants seront à nouveau évalués à Abbeville le 22 novembre prochain, en conclusion de l’édition en cours -le gagnant final ayant l’insigne honneur de figurer au « menu » de la collection 2015, le Picardie Mouv’ 2014 investissait hier la superbe Grange à Musique de Creil. Ceci dans le but, donc, de départager trois formations du cru: Antonin Lasseur et sa paire blues-rock/chanson, les « jeunots » Dirty Evil et leur rock bourru, et les plus connus Gderws au post-rock/cold envoûtant. Le final étant assuré par Positiv’ Sight, gagnant des festivités 2013 et qui, de ce fait, ira ouvrir le 13 novembre, à l’Elispace de Beauvais, pour Groundation ou encore Aswad.
Suivie par une assistance assez fournie, la soirée a dans un premier temps permis la découverte d’Antonin Lasseur, en duo avec Thomas Conception pour un show blues-chanson qu’on attendait plus rude, plus consistant aussi, la formule duo trouvant vite ses limites malgré d’évidentes dispositions et la singularité de morceaux finaux joués à l’aide d’une cigar box. Intéressant, le procédé peine toutefois à trouver l’équilibre (passé/présent, élans blues-rock/penchants « chanson ») et gagnerait peut-être à s’étoffer scéniquement, en nombre, en osant le « bourru ».
Il n’empêche, on entend encore peu ce registre qui du coup se distingue, encore perfectible certes mais bienvenu à « auditionner ». Original mais à étayer, donc.
Dans la foulée, le trio Dirty Evil (on comprend vite qu’avec un tel nom, l’orientation sera plus clairement rock’n’roll et les senlisiens le confirmeront) joue son rock nerveux, bien exécuté malgré quelques décalages et d’une qualité globale surprenante s’agissant d’artistes aussi jeunes, au look de lycéens augurant peu d’une telle prestance. La scène manque encore de charisme, mais Dirty Evil a bien sûr le temps de s’atteler à la tache et sert en tout cas un set convaincant dans le contenu et, on appréciera, taillé dans un rock franc du collier. Bon point pour eux donc, avant les excellents Gderws, dont la prestation fut malheureusement écourtée, la « faute » semble t-il à un timing serré.
Qu’à cela ne tienne, le groupe de Pierrefonds et son post-rock electronica poppy mâtiné de touches cold captivantes (le superbe Suspense, si je ne m’abuse, sera joué, de nature justement à faite tomber le suspens quant à la décision finale) offre un concert de toute beauté, à la fois subtil, finement orné et intense. Le répertoire est personnel, l’ensemble cohérent et collectif dans le jeu. Personne ne tire la couverture à soi et les morceaux du groupe, irréprochables, sont dignes des pointures du genre. Facile de se laisser « embarquer » par les rêveries étincelantes de ce sextet doué qui de toute évidence mérite sa victoire, puisque c’est lui que le jury choisira, le public étant de façon judicieuse associé à la décision prise.
On s’incline donc et il ne reste alors plus qu’à profiter du final signé Positiv’Sight, à la tenue live indéniable, dont le carnet de scène entre reggae et chanson, dynamique et…parfois prévisible mais savamment interprété, fait mouche. Ca « roots » autant que ça groove et les compiegnois maîtrisent l’art d’emballer leur public, un peu d’ailleurs à la manière des amienois de DSC, passés maîtres dans ladite mission. Cuivré, uni et pertinent, festif mais sans trop « barber », Positiv’Sight mérite ses galons, métisse avec brio (jazz ou dub s’invitent à la fête) et met fin aux sélections en semant l’allégresse, en épilogue d’une soirée d’importance puisque forcément révélatrice en termes de « jeunes pousses » estimables issues de nos contrées.
Photos William Dumont.