Il s’agissait de la « cinquième », déjà, pour le Rockin’ the Docks implanté à Corbie (80), organisé par l’asso Bruit du Rock. Ladite édition se distinguant déjà par deux nouveautés: sa tenue sur deux soirs de suite -une première qui fera ses preuves- ainsi que l’installation d’une scène acoustique extérieure, sur laquelle purent jouer lors des changements de plateau trois artistes diversement attrayants. Ce qui ne change rien à la pertinence de l’idée et à la qualité d’une affiche qui, de plus en plus, s’avère ouverte et attirante. Avec en plus de ça une organisation au sommet, sans écueils.
Jugez donc: le vendredi soir, un tremplin accueillait trois groupes picards, à classer dans les valeurs sûres, même si encore perfectibles, de la scène samarienne: Sweet Haze et AcrossTime dans la mouvance pop-rock, et Taman Shud dans la catégorie métal-stoner des plus furieux, parfois trop. Ces derniers remportant malgré cela et en toute logique vu leur orientation et leur intensité scénique cette joute live ma foi fort sympathique compte tenu des aptitudes décelées chez les participants. Que le trio Mars Red Sky, constitué de routards de notre scène et détenteur de climats à la fois lourds, par la frappe infaillible de Matgaz, à laquelle se frottent la basse et le chant de Jimmy Knast, et mélodieux de par le chant de Julien Pras (celui-ci usant également d’une guitare leste et marquante), conclura magistralement pour marquer de son empreinte psyché/stoner aux relents pop ce premier temps fort, donc, d’un Rockin’ the Docks déjà percutant.
Et qui allait trouver son digne et généreux prolongement dans une journée du samedi débutée par In Myst, locaux perfectibles mais aux quelques élans attractifs, entre puissance et instants plus atmosphériques. La scène acoustique se voyant honorée par Cam Harla, amienoise au filet de voix remarquable, en solo et sous formule chant/guitare donc, pour un rendu de belle facture avant Tang et son noise/post-hardcore agité, aux soubresauts bien en place. Montée en puissance à prendre en compte donc, de nature à rendre l’événement plus captivant encore.
Touche d’originalité, ensuite avec Aerocoustique et ses covers d’Aerosmith à la sauce…acoustique donc, pour un bon moment truffé bien évidemment de standards agréablement revisités. Et dans la foulée, impact sonore indéniable quoiqu’un peu trop primaire en certaines occasions avec General Lee dont les coups de boule sonores réitérés allaient mettre en furie une salle désormais pleine. Les gars de Béthune assurant tout de même un max quand ils font respirer leur registre, et impactant de toute évidence un auditoire tourneboulé par leur énergie.
Dès lors, le Rockin’ the Docks atteignit son zénith, en dépit de la venue de Lords of the Pints, paire au répertoire « folk éthylique » dont on peut logiquement peiner à trouver l’intérêt, si ce n’est dans le cadre d’un délire dispensable. Qu’à cela ne tienne, Seb et Alex purent rallier à leur cause un public jeune, friand donc de ces écarts à la gloire du houblon, étendant de ce fait la portée du festival avant la raclée Black Bomb A, véritable furia punk-hardcore/métal légèrement fusionnante évoquant de loin des Biohazard français. Voix différentes et complémentaires, morceaux puissants mais pensés, les ressortissants de chez At (H)ome ont du chien, de la présence et semblent n’avoir en rien vieilli, assurant un concert choc. Sauvage, maîtrisé et porté par une rage aiguisée par la « route » du groupe et ses incessantes scènes ainsi que leur appartenance à une « confrérie » de groupes français en symbiose affirmée. En atteste, pour se référer au passé, la soirée qui vit le groupe jouer à la Lune des Pirates d’Amiens, il y a de cela dix ans, avec Boost et Tripod.
Ne restait alors plus qu’à honorer la tête d’affiche et là, une nouvelle leçon de brio et de rage magistralement administrée nous fut donnée par Tagada Jones. Les quatre rennais et leur vingt ans d’activité signant un uppercut punk-hardcore qui, s’il se veut souvent direct, nuance adroitement et sert du titre fort à la volée. Le tout servi par un son au top, l’usage du Français dans le chant n’entamant en rien l’excellence de Niko (chant/guitare) et ses trois acolytes. Hommage à Schultz au passage, le final se fera avec sur les planches l’orga chantant en compagnie de la clique bretonne, pour une fin de soirée de folie. Dans la communion, que ce soit entre groupes ou encore entre groupes et public. Lequel se sera régalé, parfois donc en phase directe avec les formations invitées, sur les planches, d’un festival auquel ne manque désormais plus rien ou presque, véritable immanquable de nos contrées. Diversité, cohérence et éminente sympathie aidant, pour un week-end d’impact musical diablement bienfaisant.
Photos William Dumont.