Chez Yotanka, on fait dans la qualité, on fait aussi dans le « hors-sentiers » et par conséquent, on est surement très heureux de compter dans ses rangs Laetitia Shériff, grande Dame du rock racé et collaboratrice de choix, que ce soit avec Trunks, dans le théâtre ou le cinéma ou encore sur un titre de l’excellent avant-dernier opus de Bikini Machine.
« Insituable » ou, pour faire vite et mal, à classer entre PJ Harvey (dont elle égale ici et ailleurs la prestance vocale, dans la douceur, sur To be strong), Sonic Youth et les Breeders, elle frappe à nouveau juste et fort. Ledit titre étant d’ailleurs dans la lignée à la fois brute et ouatée du disque, dont aucun des dix titres ne peut être mis à mal. Epaulée par Thomas Poli (Montgomery) à la guitare, Nicolas Courret d’Eiffel à la batterie et Carla Pallone (Mansfield Tya), dont le violon fait merveille sur l’introductif Fellow, aérien, la chanteuse-bassiste insuffle ensuite une tension rock délectable (The living dead), réussissant un début étincelant, stylé à souhait et insoumis. Les 90’s constituent de toute évidence la source de son intarissable inspiration, on pense d’ailleurs aux Breeders de façon très claire à l’écoute du leste et griffu Opposite. Kristin Hersh est aussi évoquée dans la bio, c’est très juste et on retrouve constamment dans l’oeuvre en présence ce juste dosage entre splendeur pop et crachin rock, parfaitement orchestrés et savamment couplés.
Plus loin, To visit Brighton se fait presque trip-hop. Il étend la portée de l’auteure, « Trickyse » son répertoire, si l’on peut dire, avec maestria en restant dans le domaine qui est le sien, délibérément personnel. Magnifique, l’opus envoûte et encanaille, les grattes batailleuses de Friendly birds et le chant charmeur ET effronté de Laetitia sur ce morceau font sensation en même temps que son brio pop-rock distordu et mélodique. A beautiful rage II, à l’intitulé représentatif du contenu général, bride ensuite la tension, réinstaure des mélodies posées (plus tourmentées, toutefois, sur la fin de la chanson) qui trouvent naturellement leur place au milieu d’essais plus nerveux. Addictif, Pandemonium, solace and stars livre dans la foulée un rock débridé, noisy et rageur (Wash). Deux titres restent alors à « tester » et Urbanism-after Goya, au format long en comparaison des autres compositions, impose une entrée en matière sombre et narrative à laquelle succède le rock sauvage et patiné d’une musicienne décidément précieuse, dont on se réjouit presque égoïstement de posséder les essais. Bruitiste et obsédant, le titre valide l’excellence d’un album classieux, avant de laisser le mot de la fin à Far & wide qui, lui, s’en tient à un climat apaisé, dépouillé et à dominante planante.
Concluant ainsi superbement une nouvelle pépite issue de chez Yotanka et signée d’une Laetitia Shériff à laquelle on décernera pour le coup quatre étoiles au lieu de l’unique dédiée à la fonction qu’évoque son nom.