Boosté par le succès de sa première édition, le Chahut Vert, festival des arts de la scène et du développement durable, se tenait pour sa « seconde » sur quatre jours, accueillant une pléthore de troupes et musiciens et plantant un village associatif dans le ton, évidemment, du « vert » préconisé par son intitulé. Le tout dans la charmante bourgade d’Hornoy, dans la Somme, dans un cadre champêtre fort seyant.
Des deux jours vus, les deux premiers, une belle sensation de diversité émane et si la cérémonie d’inauguration fut un brin longuette, allégée toutefois par la présence d’un orchestre jazz, nous vécûmes nos premiers fous rires avec Avanti Display, trio britannique auteur d’un Mr Lucky Party qui voit les humeurs des uns et des autres changer avec le temps et différents sentiments impacter donc le rendu, souvent hilarant. Belle « lancée » donc, à laquelle allait succéder le Shadow of a doubt de Sandra Nkaké & Jî Drû, superbe spectacle en duo, intimiste et joué dans une pénombre dont émergent des projections et jeux d’ombres. Talentueuse à l’extrême, la paire revisite son registre sous une forme qu’on qualifiera de trip-hop, chant et claviers se mêlant à des parties samplées, reprend Bowie et les Doors ou encore « Mon amie la rose » de Françoise Hardy en fin de set. Shadow of a doubt, c’est l’envoûtement, l’assurance de vivre un temps fort et privilégié, le chatoyant couplé à des plages plus saturées parfois et une classe folle magnifiée par les chants de ses deux « composants ». Un partage aussi, un territoire musical passionnant et oh combien personnel, mâtiné d’humour et tout simplement bluffant. Entre noirceur classieuse et brefs traits de lumière, L’Ombre d’un Doute ne laissera pourtant pas planer le doute: le show est splendide. Joué qui plus est sous un Magic Mirror tout à fait adapté à l’esprit du projet.
Voilà donc pour le jeudi et le lendemain, avant un week-end des plus remplis concernant l’événement en cours, une visite du centre de tri des déchets de Trinoval, puis la restitution du stage de cirque démarrèrent la seconde journée, avant un autre spectacle comique initié par les tordants Rafistol et Adrien, entre cirque, musique et vélo bien dompté. Entre violon, poésie, écarts verbaux déclenchant le rire et mimiques du même effet, le « Vélo Celo Con Vibrato » des deux amuseurs publics auront mis en joie l’assistance du Magic Mirrors. Ceci avant la prestation de Diabolo Watts, quatuor aux sources d’influence disparates mais ayant pour trait commun le rock. De préférence joué fort, on ne s’en plaindra pas, sans réelle singularité (fun est de toute évidence le mot d’ordre) donc sans identité personnelle forte, mais qui « envoie » et enthousiasmera une foule encore clairsemée, ouvrant donc idéalement pour la tornade DSC.
C’était en effet ma « dixième » avec ce septet amienois à la fusion ajustée, spectaculaire et chorégraphiée avec le plus grand soin et la plus grande mainmise, qui bien que je le connaisse de façon proche allait me mettre, ou plutôt NOUS mettre, une fois de plus sur le flanc après sa prestation déjà furieusement engageante au Rock en Stock d’Etaples fin juillet. Entrée en matière légèrement modifiée, précédée par un rassemblement main dans la main du groupe pour la cause des Intermittents, et morceaux joués avec groove et impact sonique, dans une unité dont bien peut peuvent se targuer, compositions en outre d’une qualité imprenable: tout y est et un set du Dirty South Crew constitue la garantie d’émotions fortes et d’une copie de scène entièrement individuelle, fruit de la cohérence élevée du groupe et de ses travaux collectifs. Car c’est l’une des forces des samariens: se mettre au service du collectif, huilé mais jamais figé dans son rendu, en perpétuelle évolution, imaginatif, et ayant pour mérite, entre autres, de tirer le meilleur de chacun -et de chacune- en vue d’imposer sa patte.
Avant DJ Jos et son bel éclectisme hip-hopisé donc, DSC aura un fois encore dévasté la place, conquis une nouvelle…place, justement, et gagné de nouveaux fans par le truchement d’un live étincelant. Lequel l’honore donc grandement, en même temps qu’il valide la pertinence des choix avisés de l’équipe d’un festival varié et d’une valeur constante.
Photos William Dumont.