« Vieux » routard du rock (son épopée débute en 1970), l’amienois François Long se nourrit de musique anglo-saxonne, de Led Zeppelin à Yes en passant par les Who ou Bowie. Expérimenté (le bric à brac sonore de génie Zic Zazou, les bien connus The Rabeats avec lesquels il reprend les Beatles en tant que chanteur et bassiste), il possède le savoir-faire nécessaire à s’émanciper et c’est tout sauf une surprise, aujourd’hui, de le voir s’attaquer à un répertoire solo. Lequel voit une pléthore d’invités et pas des moindres (on y dénombre des pointures locales dont Flamm, Florent Elter et Christophe Deschamps et la présence de Gail Ann Dorsey, bassiste…du grand Bowie, ni plus ni moins) prendre part à la sortie de The seven others, son premier album, donc, solo.
Fort de onze titres et « de sortie » sur une belle référence éminemment rock’n’roll, le label Motherbuzz Records, ledit objet offre onze titres qui créent une accroche quasi-immédiate, d’un rock tranchant et varié aux velléités mélodiques évidentes. Le bougre ne s’y trompe d’ailleurs pas en insufflant à son carnet de route une touche Bowiesque du plus bel effet et en assénant d’entrée de jeu des riffs de ceux qu’on retient (Gee-queens of souls, excellente amorce). Long se charge en outre de la quasi-totalité du jeu instrumental, et développe ici de bonnes idées, dès ce premier titre doté d’un break souligné par une jolie voix féminine, celle de Roberta Effebi. Les guitares, jouées « à trois », sont loquaces et délicieuses, le chant grave et racé et le morceau donne le ton général d’un opus qui à aucune moment ne se montrera insuffisant.
Bien au contraire, on repart pied au plancher avec Empty words, taillé dans une pop-rock vive et fine à la fois, qui convoque le passé tout en sonnant moderne. Puis Afraid, premier single, joue la carte d’une coolitude stylée qui trouve sa place sans heurts au beau milieu de plages appuyées tout en s’enhardissant sur la seconde partie du titre. Notre homme a de plus l’intelligence de varier les cadences, le saccadé Speed allant en ce sens tout en livrant des climats successifs différents tant finauds que batailleurs. On se réjouit de ces penchants belliqueux, de l’excellence de chansons parfaitement troussées et certaines voient même la paire Long/Flamm oeuvrer…de pair, justement, avec succès (I am an alien ou Speed qui le précède).
Vient ensuite le tout du titre éponyme, d’abord spatial, qui développe cette option sur six minutes et trouve à l’instar d’Afraid sa cohérence aux côtés des autres essais. Sur We, c’est Pénélope Long qui assure une belle intervention vocale bien qu’éparse, Simon Postel y allant de sa frappe infaillible et le morceau se fait reptilien, serti de petits motifs ingénieux et d’une touche presque funky qui le rend dansant sans perdre de son tranchant. On est frappé par la distinction du jeu de guitare, la pertinence du tout et au delà de ça, l’exécution collective sans failles de The seven others. Outside (tiens, c’est aussi le titre d’un album du Thin White Duke) joue avec la voix, bénéficie des backing vocals de Sly (Rabeats) et de la flûte de Jî Dru (qui joue notamment avec Sandra N’Kaké), ce qui lui apporte des atours dépaysants greffés à une valeur récurrente dans la musicalité, simultanément subtile, sauvage et racée. La tension retombe quelque peu sur Smile, plus psyché, qui étend avec style la portée du disque, puis Afraid part II réinstaure de bons gros riffs et un rock bourru, instrumental. Tout est bon, quand bien même le titre suscite une légère impression d’inachevé, et Outtro-Turn me on-The waiting song remet ensuite en scène des guitares incendiaires, couplées à une instrumentation douce-amère et un rythme appuyé. La voix au diapason du tout, affirmée, étayant ce dernier morceau avec brio.
Pour, à l’arrivée, mettre fin à une rondelle digne du plus grand intérêt, qui va incontestablement faire le plus grand bien à une scène amienoise actuellement, et malheureusement, moyennement florissante. Un bel exemple de réussite individuelle dans le collectif, masterisé qui plus est, bonne initiative supplémentaire, par Bérenger Nail.