The Dukes, référence à Bowie, prétention ou…rien de tout ça?
Rien de tout cela!
C’était, au départ, le nom d’une des chansons du premier album qui tire un portrait assez acide de la jeunesse dorée. On était parti sur un autre nom de groupe (« The Heist » si je me souviens bien), mais Greg (batteur) a rapidement soumis l’idée de plutôt opter pour The Dukes, ce que nous avons fait. Ce qui est vraiment amusant avec ce nom, c’est qu’on commence à bien s’amuser avec le concept du « Duché » : dans une démarche assez dadaïste, je confectionne plein de documents très pompeux, à l’air « officiel », pour les opérations que l’on organise avec les fans (concours, etc). Des passeports, des certificats…
Et puis, en allant un peu plus loin, l’idée d’une entité presque politique me séduit : c’est pour cela que le 18 juin j’ai diffusé « l’appel du 18 juin de Smoki » en parodiant l’appel de de Gaulle. Cela permet de faire passer des messages plus politiques tout en gardant une distance, du second degré, et d’avoir un discours empreint d’une certaine superbe que le monde du rock’n’roll a un peu perdu à force de faire la manche sur Facebook pour financer ceci ou appeler les gens à voter pour cela…
Vos provenances (Paris/Belgique) sont-elles parfois un frein à votre avancée ?
Pas du tout.
Nous sommes des gens pas trop mal organisés, et finalement même si Greg retourne aux Etats- Unis à partir de septembre, il suffit de prévoir les choses à l’avance et de bloquer des périodes, et tout se passe bien. A vrai dire, cela facilite même les choses dans la mesure où nos périodes de présence sont très délimitées, ce qui permet de concentrer les concerts sur un laps de temps plus réduit, et donc plus intense, ce que nous préférons tous.
Vous semblez oeuvrer dans un relatif anonymat, j’en veux pour preuve…le fait que je ne vous connaissais pas du tout avant de recevoir Smoke against the beat; procédé délibéré de votre part?
Notre anonymat est effectivement relatif puisque…tu as tout de même reçu Smoke against the beat! Il n’y a pas de petite victoire en la matière. Mais pour répondre plus sérieusement à ta question, non, cela n’est pas délibéré. La compétition est rude en ce moment pour les artistes, et pour des gens comme nous qui nageons à contre courant, hors du mainstream et hors des niches, se faire connaître du grand public est une bataille de tous les jours. Que nous gagnons un peu plus quotidiennement, à force de travail et de volonté, mais c’est de longue haleine…
Et ça tombe bien car on est là pour durer!
Aujourd’hui, la plupart des groupes indés se séparent après le premier album, quand celui-ci sort! Nous avons mis en place un fonctionnement et des partenaires qui nous permettent de nous inscrire dans un travail de fond sur le long terme, sans accepter tout et n’importe quoi. D’une certaine manière, la façon dont Fugazi a démarré sa carrière a été une vraie inspiration pour moi : si on n’avait pas tout fait nous-mêmes, personne ne serait venu nous chercher. « Make it happen » est plus qu’une devise pour moi…
L’album, cohérent mais large d’un point de vue des tendances abordées, n’est t-il pas selon vous un peu trop «dispersé» pour maintenir l’intérêt? J’avoue avoir été -très agréablement- surpris du résultat, qu’éprouvez-vous de votre côté maintenant qu’il est «en boite»?
Nous sommes un orchestre de variétés, donc cela ne me choque pas que l’album soit varié.
Plus sérieusement, j’ai toujours aimé les albums riches en termes d’ouverture musicale, même si je considère que la cohérence générale est bien meilleure que sur le premier disque que nous avons sorti. Cela est question de goûts et de couleurs, mais je ne saurais pas m’en tenir stricto sensu à une seule recette répétée à l’infini, j’aime qu’on me surprenne. C’est donc tout naturellement que cela se sent dans ce que nous faisons. Nous sommes vraiment fiers du résultat, qui est l’aboutissement d’une aventure assez dingue, du début des prises de son à Los Angeles jusqu’au mixage à Bruxelles avec Charles de Schutter. Nous sommes arrivés à un savoir- faire assez jouissif en termes de réalisation d’albums de rock’n’roll, et c’est un challenge non négligeable de nos jours!
«Sweet songs with unsweet sounds» me parait-être une belle et juste description pour votre musique, mais pouvez-vous nous dire de façon un peu plus précise ce que cela désigne ou sous-entend?
L’idée qui sous-tend cette punchline (originellement trouvée par Magnus Lindberg, qui a enregistré le premier album), c’est que nous voulons que nos tendances punk-rock, noise et blues déjanté ne soient pas un frein à l’écoute pour certaines personnes qui ne sont pas habitués à ces styles musicaux. C’est pour cela que l’écriture de chansons reste au centre des débats, afin que l’enrobage légèrement piquant dont nous agrémentons lesdites chansons soit l’épice qui rend notre tambouille plus personnelle et plus originale, sans agresser (trop) gratuitement. Comme le chante Johny Cash, « I’m just a singer of songs »…
Par ailleurs, l’autre fil rouge de l’album c’est la quête du « raw power », en d’autres termes la puissance brute des Stooges, du Gun Club, que l’on a essayé en toute humilité de se réapproprier et de dépoussiérer sans pour autant imiter.
Un coup d’oeil à la pochette de Smoke against the beat laisse augurer d’un réel effort sur le visuel, vous confirmez?
Effectivement, c’est la première fois que je m’occupe personnellement de l’ensemble des visuels du groupe. Ca a été un processus très intéressant pour moi de traduire visuellement notre propos musical. Cela ajoute plusieurs nouvelles dimensions à l’univers que l’on crée, et c’est un moyen supplémentaire d’amener en douceur des gens qui n’ont pas nécessairement nos codes musicaux à apprécier ce que l’on fait. C’est un peu la boîte de Pandore : dès lors que l’on découvre l’étendue des possibilités visuelles, c’est difficile de ne pas plonger la tête la première! Des visuels de l’album ont en effet découlé les vidéos utilisées en live, les clips, les affiches, les t-shirts, etc…
C’est un territoire d’exploration incroyablement vaste et excitant.
Avez-vous des influences prégnantes, reconnues, ou êtes vous plutôt des acharnées de l’identité personnelle?
Nous considérons qu’il est aujourd’hui stupide de prétendre que l’on réinvente la musique car les jalons du rock, du blues et de la pop ont été posés il y a longtemps. C’est une musique de standards que l’on se réapproprie, car c’est cela qui fait que la portée d’une chanson peut-être potentiellement universelle.
Par contre, nous sommes très exigeants sur un certain type d’interprétation vraiment personnelle de ces standards, sans quoi nous ne serions que dans une redite stérile. Pour résumer : la musique de papa, certes, mais à travers la lentille de notre génération, et avec notre propre savoir-faire, sinon cela serait une escroquerie!
Quoi de prévu en termes de dates, festivals etc..à partir de maintenant? J’imagine que la sortie de l’opus va être prétexte à jouer de façon intensive?
Tout à fait, nous avons la chance de pouvoir aller défendre notre album sur scène cet été et cet automne en France, Suisse et Belgique. Nous avons développé un set-up en duo assez original, mêlant vidéos projetées à même le matériel, scénographie et machines, le tout au service d’une performance vraiment rock’n’roll. On sera présent au Brussel Summer Festival, au Festival du Chien à Plumes, au Festival du Chant du Gros…
Toutes les dates sont ici :http://www.thedukesmusic.com/tour-dates/