A peine -en apparence- perturbé par le changement municipal récent, le Murmure du Son eudois 2014, s’il supprimait sa petite scène pour ne conserver que la grande, déployait cette année une belle imagination, en plus d’une organisation sans failles.
Jugez donc: le vendredi, des spectacles destinés au jeune public faisaient salle comble. Le lendemain, un « off » présentait en divers lieux de la ville des groupes du coin, ce qui permit la découverte, entre autres, d’excellentes formations telles The Flying Strings ou encore Mökki, fortes d’un rock sans courbettes. Le tout inspiré d’une règle d’or simple et décisive: le partage et l’ouverture musicale.
The Lanskies
Dans la foulée, une démonstration de zumba pour le moins athlétique allégeait efficacement l’attente et au terme de celle-ci, les portes s’ouvraient pour nous laisser profiter, dans l’attente de ces Nimeo qui allaient nous surprendre et nous mettre sur le flanc, le mix electro d’Apollo & Dirty. Le moins qu’on puisse dire étant que pour le coup, le groupe franco-australien se montra à son avantage, en fusionnant énergiquement soul, jazz, rock, punk et swing, pour une « inauguration » groovy et cinglante, « arrosée » par le sax de Dave Kelly. Le métissage, culturel ou musical, a du bon et l’ouverture racée de Nimeo l’aura démontré avec un panache de taille. Panache que The Lanskies, issus eux à la fois de Caen, St Lô, Berlin et Liverpool, allaient égaler par l’impact de leur post-punk émaillé de nombreux titres forts, sans aucun temps mort et joué avec l’enthousiasme et l’énergie des meilleurs. New-wave, rock indé, post-punk donc, incursions cold, le combo mené par Lewis fait feu de tout bois, balance du tube à la pelle et assure un relais d’une qualité imprenable aux excellents Nimeo. Ceci à la croisée de genres, et d’époques, différentes et parfaitement réunies par ce groupe performant. Pendant qu’une superbe fresque est créée sur le site, à l’effigie des artistes de la soirée.
Pigalle
On nage déjà dans le bonheur auditif et c’est peu de dire que Pigalle, LE Pigalle de François Hadji-Lazaro, le complétera ensuite. Le créateur des Garçons Bouchers et ex-Los Carayos mariant, dans une musicalité impressionnante et avec un côté « pittoresque » de bon aloi, chanson française au verbe ingénieux et rock tranchant. Un panel d’instruments plus qu’étendu permet en outre d’élargir le champ du groupe et ce dernier livrera un set lui aussi énorme, aussi punk que « guinchant ». Captivant, résultant de plusieurs dizaines d’activité inlassable, Pigalle pose sa patte, affirmée, sur l’événement en cours. Et signe un concert dynamique, avec entre autres temps forts « Dans la salle du bar-tabac de la rue des Martyrs« .
Ce n’est surement pas HollySiz, drivé par la pétillante Cécile Crochon, demi-soeur de qui vous savez, qui fera ensuite baisser la pression, loin sen faut. Survoltée, la Dame et ses musiciens vont imposer un gig acéré, ponctué comme les précédents de morceaux marquants et dynamisé, c’est le moins qu’on puisse dire, par les danses de Cécile. Une bourrasque pop-rock aux atours electro, mordante ou plus doucereuse, qui prend en l’occurrence une belle envergure, dans la lignée d’un opus, My name is, ici transfiguré. On s’incline, d’autant que la blonde se montre avenante, communicative et interprétera même « Come back to me » perchée sur les épaules d’un membre de la sécu, au beau milieu d’un public aux anges, qui en croit à peine ses yeux et ses oreilles. Et reviendra ensuite signer autographe sur autographe à une jeunesse en ébullition. Tricky game, Better than yesterday, l’explosif OK aux relents Blondie ou encore Hangover, tout est joué avec ardeur et avant Naâman, peut-être l’artiste le plus attendu de la soirée, on en a déjà largement pour notre argent.
Ledit Naâman, dieppois donc semi-local, raflera ensuite et à son tour la mise, son reggae certes commun mais énergique et fédérateur (il suffit pour cela de prêter l’oreille aux cris de la foule), et ouvert d’esprit, faisant mouche d’emblée, porté par le flow soutenu et la dansabilité d’un répertoire solide. Surement le meilleur moyen de conclure un Murmure étincelant, dans le groove comme dans le sonique. Naâman dévoilant de surcroît quelques morceaux de haut niveau (Rockers, le sautillant Freedom ou House of love), extraits de son opus Deep rockers. De quoi convertir les réfractaires en dépit du côté prévisible du genre. Mais le jeune normand, inspiré et agité, y insuffle un sens de l’assemblage et de nombreuses bonnes idées, couplées à sa vigueur, qui font qu’on se plie à sa coolitude ingénieuse, au son des Skanking shoes et autres Frontline. Ceci dans une musicalité qui l’honore grandement.
Pour, au bout de cette journée-marathon jouissive, quitter, le coeur en joie et débarrassé de tout tracas, un Murmure du Son de haut niveau.
Photos William Dumont.