Après une édition 2012 gâchée par la pluie et ayant vu Deportivo se rabattre dans un caf’conç amienois, puis une édition 2013 qu’il me fut impossible de couvrir, le R4 de Revelles, gratuit, bien organisé et copieusement chargé en groupes « rock » (on verra plus loin que le terme est en l’occurrence légèrement usurpé), avait cette année comme tête d’affiche Talisco, jolie révélation pop-folk/rock récente.
The Black Stain s’étant désisté, L’Arène Humaine et sa fusion tantôt convenue, tantôt convaincante, dotée de cet esprit « festif dans la contestation » qui peut finir par irriter tant il est, depuis longtemps, usé et consensuel, inaugure donc les festivités. Tout de même digne d’intérêt, sa mixture entre rock, blues, funk et ska évoque la brèche ouverte fut un temps par la Mano Negra, adepte du métissage bigarré. Pas mal mais prévisible, avant que Shiver’s Trip ne durcisse le ton pour un set solide et percutant. Son hard estampillé 70’s et 80’s, authentique, s’avérant excellent et qui plus bien joué, étayé qui plus est par les poses de ses exécutants, reconnus et talentueux.
Talisco
Talisco
Les intermèdes étant adroitement assurés par l’Arrache Fanfare, Pierre Hait les Loups et son « rock français » en remet ensuite une couche niveau prévisibilité et pourtant, l’exécution est cohérente. Ca joue bien, le créneau est cependant lui aussi éprouvé, sans réelle témérité et au final, l’enthousiasme du leader des chaunois est communicatif, le contenu un peu moins. Sans être négligeables, ces formations issues du rock français gagneraient à étoffer leur répertoire, bien trop « téléphoné », lisse malgré des compositions honnêtes.
L’alternance entre l’authentique, le percutant et le plus « populaire » allait d’ailleurs prévaloir puisque dans la foulée, Purple Monkey Washing Machine, un habitué du R4, fit valoir un rock’n’roll d’obédience 70’s d’un bel impact. Sans concessions, dotée certes d’une reprise elle aussi entendue (MC5, on s’en doutait…) mais qui ne nuira pas à la qualité de l’ensemble, voilà ce que le rock, le « vrai », devrait être et suite à cela, Empire of Noise fera preuve de plus de légèreté en instaurant une pop sensible, parfois trop, qui crédite cependant le groupe quand elle gagne en rudesse (Symptom) et impose des envolées grungy. Il n’empêche, c’est souvent bien fait et les jeunots issus de plusieurs places picardes promettent. Plusieurs titres au dessus de la moyenne, dont Somebody save me, feront de sa venue un moment apprécié malgré un répertoire lui aussi peu surprenant bien que maîtrisé. Puis Les Petits Fils de Jack, au rock inspiré par Noir Désir et Deportivo, joueront eux avec conviction, déclenchant l’enthousiasme du public, mais sans, non plus, dévier le moins du monde, dans une intensité toutefois estimable. Entre énergie qu’on approuvera et côté plus « attendu », un gig qui, au moins, maintient l’attention de par sa puissance.
Talisco jouera ensuite ses compos entre pop, folk et rock, plutôt avenantes, toutes qualitatives, et marquera l’audience de par cette constante valeur. Pertinent, le trio et ses nombreux temps forts, dont un superbe Your wish ou un Everyone non moins concluant, emballent l’assistance. La voix est splendide, une finesse à la Jeff Buckley se dégage du tout, mêlée à de la vigueur et, aussi et surtout, à une largesse d’esprit bienvenue, un peu à la façon des excellents Coming Soon. Talisco, en effet, ne se contente pas de reprendre des formats connus; il entremêle, sort des sentiers battus et rafle logiquement la mise. Il y a là de l’émotion, de l’inventivité dans l’étayage, c’est frais et alerte. Et tout en justifiant le -bon- choix du R4, ça tranchera avec With U2 Night, dont le nom suffit à résumer la direction. Il est, certes, toujours plaisant de réentendre les titres qui bercèrent notre adolescence, mais on se demande où est l’intérêt d’un tel tribute, au sein duquel un Desire dépossédé de sa partie d’harmonica initiale, par exemple, mettra en exergue un carnet de scène discutable.
Malgré ça, les nostalgiques ou pro-U2 actuels n’en rateront pas une miette et le quatuor aura rempli sa mission; mettre en joie et faire danser. Le R4 prenant donc fin, avant l’apparition de 2 DJ’s au mix large, sur ce concert selon moi mitigé, source de plaisir pour le plus grand nombre, bien plus contestable pour les plus pointus et avides de vérité, de singularité. A l’image finalement d’un évènement auquel il est quoiqu’il en soi recommandé d’assister, ne serait-ce que pour le cadre, la bonne humeur qui y règne, son équipe passionnée et la grosse après-midi/soirée décibelisée qui s’ensuit. En espérant, à l’avenir, une prise de risques plus conséquente dans le « menu » musical…
Photos William Dumont.