Trois groupes, des univers exigeants mais captivants, voilà ce qu’offrait la Lune des Pirates, sous l’égide entre autres du label Dora Dorovitch, en ce samedi de mars. Avec dans un premier temps We are Disco Doom Revenge, projet mené par Francisco Esteves (Experience et Binary Audio Misfits, entre autres), épaulé au « mic » par James Reindeer, littéralement hanté. Puis le fameux duo Swordplay/Pierre the Motionless (pour sa sortie d’album), aidé lui sur certains titres par un merveilleux trio de cordes. Et pour finir Geste, trio electro-noise au territoire musical tout aussi décalé. Avec en « fil rouge » l’involontairement charismatique Reindeer, qui prendra part aux trois prestations.
La première, celle d’Esteves en duo avec ledit James, implantant un hip-hop intriguant, sombre, expérimental, dont on cherche la cohérence autant qu’on y adhère quand est parvenu à la saisir. De plus en plus même, au fil d’un set possédé, sorte d’exutoire au tourment de Reindeer et d’écrin déviant à la créativité sonore qui le caractérise. Difficile à classifier -c’est peut-être ce qui en fait l’atout principal-, une ouverture barrée, qualifiée à défaut d’electro/hip-hop/shoegaze par ses géniteurs. Et, merci pour cela, singulière. Climats saisissants, donc, et personnels, de nature à vous happer dans leur chape obscure. Et que Swordplay et Pierre allaient prolonger avec un sacré brio pour intensifier le moment. Dans l’essai déviant avec James, sur un lit de cordes somptueuses avec ce trio remarquable et, lorsqu’ils officient en « paire », à mi-chemin des deux tendances et en imbriquant les genres avec maestria. Douée d’évidentes aptitudes, la fine équipe ne satisfait pas d’un Tap water lui aussi de belle facture; sur les planches et en expérimentant sans y perdre de son impact, elle signe un bien bon concert. Avec pour effet d’accentuer le panel parcouru pour l’occasion, bien moins ennuyeux que le hip-hop « normal » et sans profondeur trop souvent entendu par chez nous.
Passé ce cap, il nous reste alors à profiter de Geste, cantiliens « sonico-atmosphériques » n’ayant de cesse de parfaire un registre qui évoque Marvin pour les penchants soniques, mais résulte avant toute chose des investigations des ressortissants d’Equinox Records. Massive, groovy et saccadée, aux confins elle aussi d’influences malaxées, une « fermeture » probante. Et qui enthousiasme en mêlant élans cosmiques et coups de semonce, ceci sans souffrir d’une facette « différente » vis à vis des deux groupes l’ayant précédé. La soirée étant de toute façon dédiée à la largesse d’esprit, pour le coup parfaitement traduite sur le plan « zik » et dans l’attitude.
Photos William Dumont.