Il est de ces groupes hybrides, tant musicalement que géographiquement, qui soudainement déboulent et se révèlent brillamment aux yeux d’un public qui, dès lors, rentre légitimement, cette fois, et non plus de façon incitée comme avec Fauve, dans un phénomène nouveau.
St. Lô, bretons, lorientais plus précisément, alliés à la chanteuse de Brooklyn Miz Walidah, fait partie de cette catégorie de musiciens qui ne doivent leur avancée qu’à leur seul talent et Room 415, premier format étendu du groupe, le confirme avec un réel panache.
Sombre, habitée et rehaussée par un panel de sons géniaux, des nappes génialement conçues, la soul de St. Lô fait sensation dès My bottle. La voix chaude et profonde de Miz, le brio des trois hommes à l’instrumentation enfantent un morceau à la fois dark et soigné. On pense à Tricky pour l’alchimie, à Massive Attack pour les fulgurances assignées au genre soul, pour les scories trip-hop et plus récemment à Tristesse Contemporaine pour le côté chaud, urgent net reptilien de l’ensemble.
D’emblée donc, on est happé par un univers angoissé et Flight and fantasy démarre en hip-hop léger, drapé dans des sonorités une fois de plus obsessionnelles et un habillage soul acidulé. On s’incline déjà devant ce mélange ajusté, ce groove de tous les instants, cette rudesse classieuse que Legendary (feat. Everton Sylvester) décline en instaurant une seconde voix, celle dudit invité donc, qui doublonne parfaitement avec celle de Miz. Des élans rock bourrus épicent ce morceau, lui aussi fatal, avec un à propos certain. Puis Reach, plus « lumineux », complète le tableau dans un climat plus serein, abîmé toutefois avec élégance par des sons dérangés.
La différence est déjà faite et sera d’autant plus marquée qu’avec In the pines et son sample de « Le piroguier » d’Henri Texier, on renoue avec une cadence vive et ces entremêlements de sons et climats diablement prenants. Le saccadé Down fall the last star suivant dans une veine soul-rock cosmique et rageuse à la fois, mâtinée de vocaux rap.
C’est bon, très bon. On n’en rate rien -d’autant que la présence de huit titres au total permet de ne jamais se détacher du contenu-, consolidé par Sweat back, electroïde à la tchatche omniprésente et au refrain qui reste en tête. Avec, comme de coutume, cette vêture sonore hyper inventive, tourmentée dans ses côtés chatoyants. Et, cerise sur le gâteau soul, ces pointes rock décisives.
Hero mettant fin à l’épopée sur un rythme soutenu, entre electro, rock et hip-hop, de façon tout bonnement magistrale.
Attention talent, donc, comme dirait la tristement célèbre Fnac, et révélation aussi singulière que passionnante, que cette clique amenée à jouer prochainement dans le cadre du Blues autour du Zinc, à Beauvais. Ceci au beau milieu d’une tournée de presque vingt dates dont on ne doute guère qu’elles s’avéreront chaudes et mouvementées. Et, bien entendu, musicalement mémorables.