Après The Obits, avant Peter Hook, pour donner un aperçu de la qualité des artistes invités, les immanquables Nuits de l’Alligator voyaient le « BRMC« , Black Rebel Motorcycle Club donc, de Peter Hayes, Robert Levon Been et Leah Shapiro fouler les planches de la Grande Salle du 106 de Rouen. Avec avant cela deux duos, l’un New-Yorkais/Finlandais, nommé Dead Combo, et l’autre irlandais et répondant au nom de Kid Karate.
Harri Kupiainen et Nuutti Kataja, déjantés, allaient donc inaugurer ces Nuits de l’Alligator…mordantes, par le biais d’un rock’n’roll « moogé » à l’effet certain, brut et profitable bien qu’un tantinet linéaire. Mais sauvage comme on aime, entre énergie punk et rasades garage « arrosées » par un Moog décisif, d’un réel apport. Bonne prestation donc, de la paire jouant dans une pénombre quasi-totale et assénant de bien bonnes baignes comme You don’t look so good ou Sunny. Kid Karate « from Dublin », au chanteur/guitariste à la voix remarquable, « braillée » avec classe ET au ressenti certain, doublé d’un jeu de scène athlétique aux sautillements spectaculaires, balançant ensuite un heavy-blues lui aussi brut, sans fioritures mais bien composé et bien exécuté. Kevin Breen, ledit chanteur-guitariste, et son batteur Steven Gannon, s’en sortant donc avec les honneurs en nous offrant entre autres les morceaux de son excellent Lights out EP, dont Two times, écorché, et un This city aux motifs accrocheurs couplés à des riffs « sévères » et saccadés. Excellent.
Excellent, comme la venue acérée, percutante, des « BRMC » qui, en trio compact, allaient renverser le 106 et le gratifier de giclées soniques du plus bel effet. Avec une set-list amorçée par Hate the taste et se concluant par, entre autres, le fameux Whatever happened to my rock’n’roll (punk song) et Sell it, l’un des morceaux les plus « dark » et probants de Specter at the feast, le petit dernier. Et un bel équilibre entre les différents albums de la clique, performante, animée par un esprit délibérément rock et privilégiant de façon très nette l’option sombre et sonique. Les perles pleuvent, on se délecte des uppercuts envoyés par BRMC et même l’interlude acoustique de fin de concert passe, du coup, plus que bien tant il s’avère chatoyant et dans la complémentarité de ce qui le précède. Ceci avant une suite de rappel incluant donc le titre-phare du groupe et donc, pour y revenir, Sell it, autre morceau soutenu, aux belles incursions psyché, de Specter at the feast, de même que ce Rival ravageur.
Rageurs, remontés, les deux hommes et leur redoutable marteleuse de tempo Leah Shapiro assurent un gig de toute première qualité, piochent aussi dans le registre obscur de leurs deux premiers opus, forcément prisés, et raflent en toute logique la mise, forts de l’enthousiasme débridé du public rouennais, au sein duquel on remarque la présence d’une gent féminine venue en nombre. Ca cogne, c’est noisy, on pense parfois aux frangins Reid en légèrement moins souterrain. Beat the devil’s tatto, autre réussite d’un concert qui ne compte que ça, maintient l’intensité tout en amenant un côté presque gospel, Conscience killer flingue l’assistance -voilà pour Beat the devil’s tattoo dont River styx sera aussi joué, tout aussi marquant. On aura aussi droit à Six barrel shotgun, par exemple et pas moins jouissif, pour Take them on, on your own, ou au massif White palms de l’album éponyme, et Spread your love de la même rondelle, ou encore à Berlin, extrait lui de Baby 81. C’est dire l’impact et la valeur du registre, « allégé » par Lullaby et intensifié par Let the day begin, titres issus du même opus, le plus récent, mis à l’honneur ce soir avec brio.
Eblouissante prestation donc, d’un BRMC qui mérite plus que jamais son appellation et, outre ce coup de trafalgar sonique, se sera montré communicatif et reconnaissant avec un public transporté.
Photos William Dumont.