Projet mené à l’origine en tant qu’ingé son par Bérenger Nail, et en tant qu’auteur-compositeur par Sam, Your Own Film réunit des membres d’8Uneven, A Poil!, Kebelu et Oniromancie. Formé, donc, de membres déjà chevronnés, il officie dans une veine « sad-core » influencée, entre autres mais de façon ici largement assimilée, par Nine Inch Nails, et a sorti en toute fin d’année dernière ce premier album, déjà accompli en dépit du « jeune âge » du projet et destiné à amener le groupe sur les planches, où il parvient d’ailleurs d’ores et déjà à se distinguer.
On oscille là entre mélancolie joliment mise en son (l’amorce d’Alone, premier morceau entre beauté allégorique et rage débridée, Duality et bon nombre d’autres travaux). Ca monte adroitement en puissance (Breathe) jusqu’à atteindre des sommets de colère braillée, le tout à coups de riffs ravageurs, de chant aux formes diverses, entre cris et magnificence du ressenti, souligné par des claviers sobres mais décisifs et une rythmique sans fioritures, ajustée et dans la symbiose.
Il y a même dans 01 une sensibilité pop qui donne du coffre à l’oeuvre des Picards, performante dans ses essais saccadés (Fuit A) comme dans ses explosions douloureuses (Eve et le joli violon de Lou Corroyer Windels). On les suit dans leurs « travers » Nine Inch Nails compacts et rentre-dedans (The light of January, bel exemple d’investigation electro-indus) et tout autant dans leurs déviances acoustiques (un Thinking superbe, exercice auquel le groupe devrait à mon sens s’essayer plus fréquemment tant le rendu est bon, puis ce Pieces du même tonneau ou presque, bien que plus agressif à l’issue de son amorce, orné par la trompette de Sophie Bourgeois). En s’appuyant sur un vécu « écorché », Your Own Film parvient à bâtir son univers et propose de solides compositions.
Ainsi, December again, à l’intro magnifique et dépaysante, instaure ensuite un tempo soutenu sur vocaux criés, puis Silenced impose cette même beauté dans le propos en son début pour ensuite remettre en avant cette rage inhérente à Y.O.F., certes parfois prévisible passé les premières écoutes mais diablement efficiente à l’arrivée. Puis F?iends, muni lui aussi d’une acoustique enchanteresse, conclut de manière merveilleusement « sad » un album de choix, signé d’un projet déjà porteur.
Conclut, disais-je? Non, puisque se profile après cela une autre perle apaisée, chantée qui plus est par l’ex French Kiss Tiphaine Robert, à la dualité vocale enivrante (Duality acoustic). Parfaisant par là-même un album d’une qualité constante, aux chemins de traverse acoustique d’une rare beauté.