Le résultat, ce J’aime pas Mascarade bluffant, présente treize titres de feu, inspirés, autant auto-dérisoires qu’irrémédiablement réalistes. Certains, Jéme pa lè jeune et Des espoirs en tête, démontrant une lucidité dont tout un chacun, travailleur social en tête, devrait s’inspirer, doublée d’un humour qui fait d’autant mieux passer la pilule de la déviance ici exposée.
Musicalement, c’est tout aussi imparable et le mix stylistique de Mascarade, qui n’use justement pas du mascara, fait mouche sans faiblir un instant, l’inaugural et bien nommé Hip-hop de rockers défouraillant tous azimuts son énergie dévastatrice et ses riffs épars à la Beastie Boys. On pourrait, parallèlement à cela, citer les nombreuses prouesses verbales de Jneb et consorts, son authenticité et nombre d’autres qualités mais l’écoute vaut dans le cas présent tous les mots, ou maux. On se régale et Jème pa lè jeune, introduit par une voix pour le moins virile, confirme avec une plume acerbe et étonnamment proche de la réalité l’excellence du rendu. Les refrains, fédérateurs, et l’allant des morceaux, les idées décisives émises (Ssuperssenssass et ses mélodies, ses déconnades à base de zézaiement) rendent la clique Mascarade attachante au possible et intelligemment ironique (Des espoirs, morceau suivant tout aussi accompli).
Conteur de tranches de vie graves et légères à la fois, Mascarade réinstaure la fusion des genres, fait cohabiter grossièretés volontairement mises en avant (Il paraitrait…) et dextérité littéraire, se singe lui-même tout en égratignant au passage les groupes à la véracité fabriquée (Groupe de province, Vieux con). Il réussit dans toute entreprise et on imagine aisément des performances live hautes en couleurs, qui valoriseraient d’autant plus ce disque sans plantage.
On suit les nordistes dans leurs rock bas du front comme dans leurs incartades rap, on approuve leurs encarts electro, justes et épars. Leur éclectisme maitrisé plaide en leur faveur (il suffit, en ce sens, de jeter un oeil à la liste de leurs « compagnons de scène), et on repense souvent aux prémices de la fusion, ici brillamment reliftés. Des gimmicks synthétiques simples et entrainants (Sexe, drogue et cyclisme, association démentielle des trois notions énoncées) épicent l’album, on se surprendrait même à mimer les riffs de JIBE, et on apprécie ensuite les accalmies d’Avant qu’on s’étrangle, avant que la machine de façon incoercible.
Enfin, Célib à terre, un poil plus oriental dans le son tout en conservant sa force de frappe rock, puis l’electro/rock-hip-hop aux accents funky d’Assez, en conclusion, avec sa fin débridée, asseyent le savoir-faire perpétuel d’un sacré bon groupe. Qui, dans l’humour et la dérision mais avec le sérieux affirmé en toile de fond et, surtout, un talent d’écriture conséquent et une belle acuité sur les sujets évoqués dans ses chansons, nous offre l’un des albums-choc de la rentrée à venir, fusse t-elle encore « lointaine » à l’heure où j’écris ces mots.