Interview d’un artiste décalé, que le niveau élevé de sa discographie et de son « petit dernier » met incontestablement en lumière…
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D’où te vient ce goût prononcé pour l’expérimentation, cette habileté à mêler verve verbale et acidité de l’instrumentation?
Peut-être tout simplement que mes goûts personnels me poussent vers les choses décalées, plus étranges, les mondes à part. Expérimenter, ou tout simplement essayer des choses différentes, c’est aussi la garantie de ne pas se répéter (ou d’essayer de moins se répéter). On ne peut pas changer de tête, ni de voix, ni de cerveau; on peut essayer de changer tout le reste autour et voir ce que ça donne. Et puis encore plus simplement, je crois que je m’ennuie assez vite. Alors faire quelque chose de déjà vu, de déjà entendu m’ennuierait avant même d’avoir commencé…
C’est vrai que ça peut être très plaisant de faire quelque chose qui ressemble à ce qu’on aime déjà. Par exemple écrire une belle chanson folk bien jouée, délicate. C’est agréable, mais ça ne me fait pas lever le matin.
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Pour Mendelson, ce surprenant nouvel opus, comment en es-tu venu à t’orienter vers un triple album, ainsi constitué?
On avait plus de titres que ça avant de rentrer en studio : presque l’équivalent de 5 cds. Mais à l’épreuve du studio avec le groupe en entier, il n’est resté que ça . C’est un triple, ça peut paraître beaucoup mais il n’y a que 11 chansons en fait.
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Quelles sont tes sources d’inspiration textuelle?
Tout ce qui me passe par la main peut être une source d’inspiration. Un roman, un poème, une interview, quelque chose entendu dans le métro, une conversation avec un ami, une revue scientifique, une chanson bien sûr, les films…
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Te sens-tu entièrement à part, singulier, dans un paysage « rock » français déjà chargé en groupes décalés, au style peu conventionnel?
Entièrement à part non. Il y a des compagnons de route. Et pas uniquement dans la marge. Mais il ne faudrait pas se leurrer non plus dans l’autre sens. Il est évident qu’on propose quelque chose de différent du tout-venant. Je suis toujours surpris de voir tous ces groupes et chanteurs qui sortent des disques qui ne changent rien, ne font rien avancer, rien bouger, ne proposent rien, ne sont absolument pas surprenants : ni dans leurs sons, ni dans leurs propos, ni dans leurs musiques. Quand on sait l’énergie qu’il faut pour faire quoi que ce soit, et qu’ils sortent « ça » ! Je ne comprends pas ce qui les motive.
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J’imagine que l’univers que tu développes, d’un point de vue musical, nécessite une certaine cohérence de groupe. As-tu pu trouver la stabilité à ce niveau, officies-tu toujours avec les mêmes « accompagnants » ?
Oui les mêmes musiciens et co-compositeurs depuis 10 ans à peu près.
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Pour en revenir à ta nouvelle oeuvre, quel est ton sentiment au moment de sa sortie? Penses-tu être parvenu à ce que tu souhaitais initialement en termes de rendu?
Je n’imaginais rien de précis. Je n’avais qu’une envie de son : froid, dur, métallique. Au moment de sa sortie, je suis heureux et soulagé d’avoir réussi à sortir cet album comme il nous est arrivé. C’est énormément de temps, d’investissement, de travail, de doutes et de travail encore. Et là le disque est bien accueilli. J’ai l’impression qu’il est compris. C’est positif et ça fait du bien.
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Y a t-il des artistes, hexagonaux ou non, dont tu te sens proche dans l’esprit et qui auraient pu sinon t’influencer, tout au moins t’inspirer dans ta démarche créative?
Oui évidemment. La liste est énorme. Si on se limite à la France; Brigitte Fontaine, Léo Ferré, Nino Ferrer, Les Rita Mitsouko, David Mac Neil, Diabologum, Michel Cloup, Lou, Bashung, Manset, Les Frères Nubuck, Katerine, Murat, Gainsbourg, Les Olivensteins, Quentin Rollet, Jean-Jacques Nyssen, Yves Robert, Dominique A., Daunik Lazro, Arno, Joëlle Léandre, etc etc
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La musique, dans laquelle tu t’investis de toute évidence pleinement, est-elle pour toi un exutoire ou une autre forme de catharsis? Que t’apporte-t-elle?
Je ne sais pas. Je sais juste que probablement je ne pourrais pas faire sans. Le vide serait trop grand.
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Comment appréhendes-tu le live? Est-ce pour toi une expérience unique, exigeante?
J’ai envie de faire de la musique sur scène. Je n’ai pas envie de refaire le disque à l’identique. Ce qui est probablement impossible de toute façon. Donc faire de la musique, être sur scène, chanter ces chansons, mais essayer d’être disponible à ce qui se passe, attendre que survienne quelque chose en plus, ou quelque chose de différent.
Qui sait ?
- Photos E.Bacquet sauf pochette album.