Jeune et certes perfectible, For the hackers devra exploiter ses possibilités, visibles, et accroitre sa personnalité. Pour l’heure, il livre un set tonifié par l’allant de sa jeunesse et l’enthousiasme du à la participation au « Murmure », émaillé de quelques titres solides au sein desquels pointent des mélopées « Smithsiennes » de bon augure.
Le terrain est donc bien dégagé pour Granville, à la pop « à la française » magnifique, vivifié par sa chanteuse magnétique et un répertoire fin, entre poppisme finaud, donc, et élans plus acérés. Déjà fort de morceaux tubesques, Granville confirme brillamment ses débuts remarqués et démontre une belle unité scénique couplée à une certaine cohérence de groupe. Une bien belle apparition, touchante et qui incite à la danse et au bonheur, parfaite avant de retourner devant la deuxième scène voir Jesus Christ Fashion Barbe, trio caennais (les environs ont été mis à l’honneur et l’idée est diablement bonne) à la pop elle aussi chatoyante et multiformes, se mettre en évidence à son tour.
A l’issue de ce concert de toute beauté, on prend conscience, dans le même mouvement, de la valeur de notre scène et de la pertinence de la programmation en ayant pleinement profité du « lo-folk’n’roll » stylé à souhait, parfois cold, de ces trois normands au talent qui ne demande qu’à s’exprimer. Des titres alertes comme Pimp, entre autres trésors entendus ce jour, justifiant amplement la présence d’un groupe, comme beaucoup d’autres et on le déplore, injustement, pour l’heure, méconnu, fort d’élans cold occasionnels appréciés (The meaning).
On se sent donc de mieux en mieux à Eu, dans un cadre qui plus est magnifique, et c’est alors que Balthazar fait monter la pression d’un voire deux crans en gratifiant le public d’un gig d’une classe totale, superbe et parfois encanaillé comme il se doit. On reste bouche bée devant autant d’émotion, de ressenti, d’impact sonore et émotionnel, et on se dit que depuis Deus notamment, la Belgique nous régale de façon irrémédiable. Ce que justifiera de manière au moins aussi convaincante School is Cool, entre fougue et douceur, dont le Entroplogy enchanteur, à l’instar du Rats de Balthazar, trouve sur les planches une interprétation magistrale, habitée, qui marquera durablement l’assistance et l’amènera à se dire qu’un tel groupe aurait largement mérité d’investir la grande scène.
Laissé « sur le flanc » par ces Belges indispensables, soudés dans la pop avenante comme dans ses écarts géniaux à base de rythmes assénés, on regagne alors l’extrémité opposé pour se faire gifler par un Lescop à la « cold/new-wave » dynamitée par une nouvelle formule incluant un batteur et un guitariste qui riffera et jouera « remonté » tout au long du set pour donner à l’univers du groupe une coloration rock’n’roll griffue du plus bel effet, appuyée bien sur par les mimiques et attitudes d’un leader froidement charismatique.
On s’en remet à peine que débarque Yan Wagner, trio cold dansant au leader évoquant parfois Ian Curtis, pour une prestation à laquelle il est tout simplement impossible de résister, entre plans cold et electro au groove froid et émaillé de gimmicks sonores qui mettent les gambettes en alerte. A l’image du On her knees qui introduit les signataires de l’album Forty eight hours, ou de ce même titre éponyme, voilà le mix parfait entre réminiscences 80’s et cold-wave élégante. Qui, en plus de maintenir un niveau d’ensemble élevé s’agissant de l’évènement du jour, permettra de mieux faire passer la pilule, amère, Etienne de Crecy. Notre homme se contentant, pour l’évident bonheur d’un public que je peine parfois à comprendre, de jouer sa techno éprouvante, répétitive et basée sur des cadences sans contenu palpable.
Heureusement, Smokey Joe & the Kid, formation d’origine bordelaise s’inscrivant dans un créneau entre Soul Coughing et années 30 swingantes, allait effacer avec brio -bien qu’on regrette que les deux bonshommes et leur compagne de scène s’en tiennent à un certain immobilisme derrière leurs machines-, le faux-pas d’Etienne de Crecy. Singulier, fruit d’un collage bien ajusté entre des tendances différentes, son « mix » au groove affirmé, aux cuivres fringants, allait permettre au Murmure du Son de s’achever sur une note originale, complétant ainsi joliment un éventail de groupes de tout premier choix.
Bien belle édition donc que ce Murmure 2013, représentatif d’un évènement qui ne cesse de se développer et gagner en pertinence, en couronnement d’une saison musicale et culturelle grouillante dans la petite et très attachante cité normande.
Photos William Dumont.