Fruit de deux jours et trois nuits d’improvisation, l’opus débute d’emblée par une pièce ébouriffante, Jérusalem, qui fait cohabiter contemplations post agitées, bruitisme jouissif et obsession des motifs sonores, créés avec un talent bluffant. Puis Tenochtitlan, lourd, noisy, produit le même effet addictif de façon nettement plus brève dans la durée.
On l’aura d’ores et déjà compris, Le Réveil des Tropiques fait feu de tout bois, avale les influences pour les recracher à sa sauce, ce dont résulte un disque étonnant d’inventivité et déjà porteur d’un style passionnant jusque dans ses essais les plus poussés en termes de durée et d’investigation sonore (Antibes, second long format ahurissant), qui n’ennuie que le temps d’un Homs trop court et répété pour réellement accrocher. Chaque titre pourrait ainsi être épluché, entre ce Antibes entre Can et Mogwai ou Tunguska qui débute dans une quiétude sonore magnifique pour ensuite prendre de l’envergure et se faire plus griffu, concluant ainsi le premier volet de l’album dans une beauté troublante et balafrée par de fréquents écarts sonores.
Le second cd impose alors un fonceur Sigirîya, digne lui de Sonic Youth dans ses breaks et changements de tempo, enchainé à Kinshasa qui sur plus de dix minutes envoie un kraut du plus bel effet, déviant évidemment et bardé de sons triturés émanant d’un panel instrumental large.
On ne s’en lasse pas, quand bien même le tout s’avère exigeant, et les deux parties complémentaires de Yonaguni, qui approche les vingt minutes, emmènent à leur tour très haut, dans une atmosphère psyché déchirée empreinte d’un kraut vertigineux, l’auditeur potentiel. Avant que Anthemusa, bien plus court, n’achève la grand-messe expérimentale dans la retenue et pour un intérêt certain mais moindre que celui généré par les réalisations précédentes.
Super album, pour conclure, que ce disque improvisé. Ce que peuvent se permettre les musiciens ici impliqués, de toute évidence largement assez vertueux et cohérents pour accoucher du meilleur.