La force de Bouaziz est entre autres d’allier prestance littéraire de tous les instants et déviance sonique ajustée, expérimentation exigeante mais jamais par trop excessive. S’ensuivent des morceaux magnifiques, troublés et troublants (D’un coup -tendu sans rompre- et toute la suite de ce premier volet, dont un second long format intitulé Une seconde vie, sombre et doté de percussions qui ajoutent à son côté jouissivement bruyant). De tout cela se dégage une impure beauté, Pas d’autre rêve achevant cette première partie d’album de façon plus épurée, ce qui ajoute à l’énorme pouvoir d’attraction de l’opus.
Vient alors Les heures, épopée ébouriffante de presqu’une heure lors de laquelle Pascal Bouaziz met des mots sur les maux avec la verve qu’on lui connait, le tout dans un écrin sonore aux variations qui suivent ses textes et oscillent au rythme de ce qu’ils expriment. Splendide, ce morceau réhausse encore le niveau d’une oeuvre unique, qui risque fort de faire date dans l’histoire musicale du pays. Obscur à l’image de l’ensemble dans lequel il s’inscrit, il prend fin dans un bain de guitares noisy et fait déjà de ce triple l’un des musts d’un genre décalé, jamais conventionnel, tout en permettant à son génial auteur d’innover dans la continuité de son registre habituel.
Il reste alors le troisième cd, tout aussi âpre et fourni, qui débute par un nouveau format étendu, Ville nouvelle, puis un autre, Une autre histoire, en créant un contraste appréciable entre le fracas du premier et la côté plus « pur » du second. Captivant, l’album évoque entre autres Diabologum, dont le #3 est ici surpassé -c’est dire-, et consacre un musicien singulier, précieux, dont la mise en mots et en sons d’instants de vie éprouvants génère un rendu sans égal.