Comme à son habitude compact et pétri de groove, celui d’un rock tendu et en dépit de cela très fin, le gang d’Eric Pasquereau a fait valoir le contenu irréprochable de son petit dernier, Recreation, en évoquant par son jeu et sa fougue l’énergie d’un Fugazi. Rythmes fracassants et pointes noise débridées aidant, le type de concert dont on profite amplement, entre bourrades lourdes et envolées alertes, entièrement jouissif et dans l’insoumission totale, qui plus est génératrice de sons, et de morceaux, de haute volée.
Précieux donc, très valeureux, Papier Tigre fait partie de nos porte-étendard et n’a, après trois albums sans coup de mou, plus grand chose à prouver tant scéniquement que sur le plan de sa discographie.
C’est également le cas de ce Guitar Poetry aux airs de dream-team de la dissonance et de l’expérimentation, qui allait s’avérer autant orgasmique que difficile à ingurgiter. Les essais inauguraux signés Andy Moor et Thurston Moore en paire flingueuse se montrant, on pouvait s’y attendre, particulièrement âpres et, dans le même temps, géniaux dès lors qu’on parvenait à les appréhender. Incroyable, en tout cas, de voir ces deux-là deviser tranquillement sur la scène de notre « Lune » avant de nous asséner de larges et crissantes raclées soniques, le tout à l’aide, parfois, d’un tournevis qui nous évoque les débuts de Sonic Youth.
Suivi de l’hallucinante prestation d’Anne-James Chaton, à la poésie déclamée sur fond de musique enregistrée, puis de l’apparition de Thurston seul, avec cette fois une dualité chant-guitare plus facile à avaler, souvent enthousiasmante, voilà bien un morceau de légende qui nous fut servi. Et dont nous profitâmes largement, incrédules et intérieurement excités, fiers même d’avoir pu vivre une bribe, par le bais de ce projet singulier, de mythe. En espérant que les trois comparses poursuivent leurs efforts et nous servent de nouveau, isolément ou de façon collective et à moyen terme, le fruit de leurs nouvelles investigations sonores.
Photos William Dumont.