Très sensitifs, armés de morceaux superbes issus de leur album Dark eyes malheureusement uniquement disponible en import, les ressortissants de Montreal ont apporté la preuve que leurs récentes premières parties de Mumford and Sons étaient dues à tout sauf au hasard.
Habités, habiles dans le jeu et la composition, ils atteignent des sommets émotionnels que quelques « bourrasques » zèbrent soudainement comme pour en souligner la splendeur. En outre, ils communiquent à l’envie avec le public, qui plus est en Français, et proposent un jeu de scène attrayant, entre sobriété dans l’attitude et instants plus exaltés. Parfait, illuminé par des réalisations comme Full circle, She wants to know ou le fiévreux Call me in the afternoon, entre autres pépites folk-rock, le set d’Half Moon Run présente un groupe hautement talentueux, qui mérite déjà une place d’honneur, et emmène les spectateurs dans un tourbillon d’émotions au sein desquels la délicatesse et l’intensité retenue dominent.
Magnifique ouverture donc, avant l’arrivée de La Femme qui, avec sous le bras un enivrant Psycho tropical Berlin, va dévaster un club désormais entièrement acquis. Entre rock tranchant, surf stylé et groove electro aux changements de rythmes en place, les sudistes imposent des morceaux qui fleurent bon les 80’s françaises mais portent avant tout leur patte, racés et irrésistiblement entrainants. La sarabande commence, initiée par le mouvement quasi perpétuel des membres du groupe -au comportement parfois déviant mais sans excès préjudiciables-, et l’allant, la folie mesurée qu’ils insufflent dans un répertoire de haute volée fait la différence, accentuée par le chant de Clémence Quélennec et ses danses qu’on ne peut que prendre en compte. On sent un groupe qui, outre le fait de disposer de chansons bien troussées, s’amuse, prend du plaisir et en sert de grandes lampées à son public, gâté comme l’est régulièrement celui de l’antre rouennaise.
Agité, musicalement jouissif (Sur la planche, évidemment, Antitaxi, Nous étions deux, La Femme ressort) et doté de breaks qui relancent magistralement la machine, mais aussi de quelques écarts plus posés non moins profitables (La Femme, le Gainsbourien Hypsoline), ce concert fulgurant nous laisse pantois et heureux. Tout en faisant ressurgir le souvenir ému d’une époque que La Femme remet brillamment au goût du jour tout en asseyant une identité d’ores et déjà reconnaissable.
Photos William Dumont/Patrice Vibert.