C’est indéniable, la psyché est bien dans l’air du temps. MGMT, Tame Impala ont ouvert la voie à ce revival. Mais parler d’une musique psyché, ce n’est pas désigner un simple tiroir, mais toute une bibliothèque sonore tant l’inventivité fût le maitre mot de ce genre. Le jeune hollandais Jacco Gardner, lui aussi égaré parmi ses rayons d’un autre âge, nous offre une nouvelle variante de la psyché. Une psyché proche de Syd Barrett et de la fin des sixties.
A la première écoute, l’effet est immédiat, c’est un voyage dans le temps qui nous est donné avec ces douze titres de ce premier album, Cabinet Of Curiosities. En fermant les yeux, on peut sans difficulté s’imaginer au milieu d’une de ces communautés étudiantes qui faisaient du psychédélisme l’amorce d’une nouvelle utopie. Mais, quitte à se laisser aller à cette nostalgie, pourquoi ne pas écouter directement une musique de cette époque ? Parce que Jacco Gardner nous offre bien un album qui répond à l’oreille musicale de ces contemporains. La sobriété et l’efficacité des mélodies, le jeu sur les textures musicales sont bien l’héritage de quarante de musique post-psyché. Héritage que Gardner a su faire sien pour proposer un album à la fois pop, onirique et sensible.
« Clear The Air » donne le ton qui dominera l’album : psychédélisme, légéreté, ici agrémentée d’une pop qui invite à user sans modération l’album sur notre platine. La suite est toute aussi efficace avec un rythme plus proche de la ballade (« The One Eyed King » et « Puppets Dandling »). Mais chanson pop ou ballade, peu importe c’est bien l’onirisme, la rêverie qui reste le noeud central de l’album. Et il n’est pas étonnant que ce multi-instrumentiste et solitaire Jacco Gardner ait mis en position centrale les deux titres les plus psyché de l’album (« Watching The Moon » et l’instrumental, qui aurait pu servir d’introduction à l’ensemble si Gardner s’était complu à un quelconque classicisme, « Cabinet Of Curiosities »). Telle un phare en pleine mer, ces deux titres surveillent chacune des pièces de ce cabinet de curiosités, que chacune soit des accélérateurs d’imaginaire. Le travail que Gardner a effectué sur sa voix participe pour une grande part à la capacité d’évocation de l’album. Que ce soit dans les premiers titres ou dans la seconde moitié de l’album, peut-être plus mélancolique, on retrouve cette même voix un peu étouffée, distante que dans la pop de la fin des sixties. Et, dans un dernier hommage à cette période, Jacco Gardner semble se glisser dans la peau d’un Syd Barrett en errance avec l’inquiet « The Ballad Of Little Jane ».