Un mois après la sortie de leur album Regarde le ciel, le groupe Aline a un agenda de concert bien rempli. Un album chaleureusement accueilli par la presse et le public qui prend sa source dans la musique des années 80 comme Lescop, qui jouit lui aussi des mêmes faveurs. La venue du groupe à Rouen est l’occasion d’approcher sa véritable personnalité et d’enlever toutes les étiquettes qu’une écoute paresseuse n’aura pas manqué de lui coller. Très pris juste avant leur concert, Romain Leiris, à la basse, Arnaud Pilard , à la guitare lead, et Jérémy Monteiro, au clavier, se sont prêtés au jeu de ces dix questions.
Quand on écoute Regarde le ciel, on a l’impression de retrouver les années 80. Cela participe de la grande rétromania qu’on retrouve chez Lescop et chez Violence Conjugale. Est-ce que vous vous revendiquez de cette rétromania ?
[Arnaud] En fait, on n’est pas nostalgique de quoi que ce soit en musique, on ne cherche pas à tout prix à sonner 80. Après on a des influences qui transpirent forcément dans notre musique. Mais ce n’est pas un souhait, ce n’est pas un calcul de sonner 80. Après on aime les Smiths, on aime les Cure, on aime un certain son, une certaine esthétique musicale, des choses qui ont été faites dans les années 80.
[Romain] C’est une volonté de réentendre ces musiques qu’on aimait, qui étaient des références, qui étaient ligne claire, guitare et qui a pour inspiration les Factory Records, Sarah Records, la musique anglaise qui sévissait dans les années 80 et 90. Le son en ressort quand même.
[Arnaud] Notre but est de faire des choses les plus atemporelles possibles , qui ne sont pas marquées par une époque, par une mode donnée, parce que généralement c’est assez volatile et assez fragile. Notre but, c’est de faire des choses qui vieillissent, qui vieillissent bien.
Est-ce que vous pouvez essayer d’expliquer pourquoi il y a cette rétromania autour des années 80 ?
[Romain] Je pense qu’il y a un peu des cycles. Dans les années 2000, il n’y a pas eu de genre musical très fort.
[Jérémy] C’est aussi générationnel. C’est aussi la musique qui nous a berçée quand on était jeune.
[Arnaud] Forcément 20-30 après ça ressort. C’est ça la raison je pense. Et le fait de rechanter en français évoque aussi cette période-là car les groupes de rock, de pop ont arrêté de chanter en français pendant une sacré période. Mais avant c’était courant.
Si vous participez à ce retour des années 80, qu’est-ce que vous avez aussi de contemporain ?
[Arnaud] Il y a un son qui est légèrement différent. Les rythmiques sont moins teintées de réverb’. Il y a peut-être moins d’arrangement flagrant
[Jérémy] Le but, ce n’est peut-être pas à tout prix de sonner contemporain, c’est plus un côté atemporel, basé sur des mélodies, des choses qui restent dans le temps.
[Romain] Il n’y a pas de calcul, il n’y a pas un calcul d’être plus originaux que qui que ce soit. On produit une musique comme on a envie de l’entendre. Il n’y a pas une volonté d’être contemporain, ni de coller aux années 80. Je pense qu’il y a une personnalité à Aline que ce soit dans les propos des textes, dans la manière d’écrire les paroles, dans le son des guitares, dans l’alchimie de l’instrumentation. Les gens qui ne connaissent pas trop ce genre-là ont vite fait de nous comparer à Indochine. Mais quand on en écoute Indochine et quand on écoute Aline il y a quand même un univers vraiment différent.
Comment le groupe s’est-il formé ?
[Arnaud] Tout commence avec Dondolo, le projet solo de Romain Guerret le chanteur d’Aline. C’était son projet solo. Il a fait deux albums. Après le premier album, il a eu besoin de faire de la scène. Moi je le connais depuis longtemps, 12-13 ans, c’est un vieux copain donc il m’a demandé de jouer avec lui. On a recruté des gens, Romain à la basse, Vincent à la batterie et Jérémie qui est son cousin au clavier et on a enregistré le second album avec lui. Après, il a commencé à développer Young Michelin de son côté, il a fait trois quatre morceaux et a fait appel à la même équipe pour jouer avec lui. C’est alors devenu un groupe, et on intervient dans la composition. Finalement, on se connaît depuis 2006-2007.
Comment sont composés les morceaux ?
[Arnaud] Les quatre premiers c’est Romain qui a posé les bases, le son, l’esprit. A partir de là, on s’est mis à composer à plusieurs. Parfois on fait des morceaux à 5, parfois à deux, des fois on fait juste les arrangements. C’est assez collégial.
Le thème de l’amour est central dans l’album, même s’il est traité avec une certaine distance, une certaine légèreté. Pour vous est-ce important au niveau musical de traiter des thèmes de cette façon distanciée, légère ?
[Romain] C’est vraiment l’univers de Romain. C’est lui l’auteur. Ce qu’il en dit, c’est que c’est un peu un regard, un résumé de trois ans de sa vie qui ont pas été très marrantes, au niveau sentimental, et à plein de niveau. Et donc les paroles traduisent ça. Ce n’est pas léger mais il ne veut surtout pas tomber dans le pathos, et il trouve plus intéressant d’avoir une musique up-tempo, assez envolée, avec des paroles chantée de manière simple, sans faire d’emphase dans l’écriture. Il ne se considère pas du tout comme parolier de chanson française. Il veut vraiment avoir un texte pop, musical avant tout. Il ne veut pas illustrer ça bêtement au premier degré avec un chant pathos, ce qui donne un chant léger avec des paroles qui ne le sont pas.
Est-ce que vous pouvez parler du premier titre de l’album, « Les copains » ? Ce titre est un peu à part, instrumental, il marque le début et la fin de l’album, avec deux versions différentes.
[Arnaud] Selon les mots de Romain, puisque c’est lui qui a fait seul ce morceau, mais je partage aussi son avis, c’est un croisement entre De Roubaix et The Cure, ce son de guitare et ce thème assez mélancolique, assez cinématographique
[Romain] La genèse du morceau, ce qui l’a provoqué au niveau sensible, c’est un regard un peu tourné vers une enfance, une adolescence, des copains qui se sont éloignés, qui ont suivi leur chemin. C’est une espèce de mélancolie mais en même temps un thème un peu bonhomme, une avancée, une marche quand même vers l’avant. D’ailleurs le fil conducteur de l’album, c’est quelque chose qui s’élève, qui tend vers la lumière, d’une période sombre on accède à quelque chose qui tire vers le haut.
[Arnaud] On aime bien ça cet aspect mélancolique tiré par une musique un peu up-tempo. Cela crée un contraste un peu comme le sucré-salé.
[Romain] Après le côté générique, c’est vraiment volontaire, ouverture et fin.
[Arnaud] Pour la version d’Anne Laplantine, Romain l’a connu par internet, à l’époque de Myspace. C’est une meuf qui postait des morceaux presque tous les jours et un jour elle lui a envoyé cette version sans l’avoir prévenu car elle adorait le morceau. Mais on n’a pas du tout participé à cette version.
Nous sommes au début de votre tournée après la sortie de l’album. Peut-on dire qu’avec cette tournée c’est un peut la fin d’une première étape pour le groupe Aline ?
[Arnaud] Oui quelque part, car vu le système des tournées, sans album on tourne pas ou peu, car les salles doivent avoir quelque chose à défendre pour te booker. Le fait d’avoir un album change la donne pour nous. L’album marche plutôt bien, enfin dans la mesure de l’industrie actuelle du disque. On a dix fois plus de dates qu’avant.
[Romain] Dans la logique d’une carrière de musicien, l’album permet les dates, le statut d’intermittent, et donc à partir de là permet de se reconcentrer vers un prochain album à venir
[Arnaud] Je ne dirais pas que ça clôture, ça ouvre un chemin qu’on attendait, enfin on a des concerts jusqu’en décembre, c’est génial. On vivote tous depuis un peu de temps, moi je suis au RSA depuis un an et demi. Enfin, on va pouvoir accéder au statut, on a un peu d’argent. Cela reste raisonnable mais on peut commencer à vivre de ce qu’on fait.
En dehors évidemment de Regarde le ciel, qu’est-ce que vous nous conseillez d’écouter ?
Alex Rossi, on a fait un Ep avec lui pour le label Born Bad, Motorama, on aime bien Twin Shadow, Blood Orange, Lescop mais lui a eu déjà son temps de médiatisation.
Est-ce que vous pouvez définir votre musique en cinq mots ?
Simplicité – Immédiateté – Spleen – Sensibilité – Sincérité