Dead Elvis donc, masqué façon Elvis as a beast, a eu pour mission, ce dont il s’est acquitté avec humour et sauvagerie, de lancer les débats avec son one-man band débridé, fort sympathique à voir et à entendre bien que lassant à la longue; la « faute » à un registre certes impeccable, mais trop peu diversifié. Il n’empêche, son relooking d’Elvis en mode rétro-actuel tient méchamment la route et ses morceaux défouraillent, le chemin se voyant dégagé avec panache, et de façon originale, pour le Jimi Ben Band.
Et là, sacrée belle surprise que ce trio difficile à classer, entre excentricité vocale et mélodies qu’abiment de soudains excès, titres courts et griffus et surtout, irrémédiablement efficaces. Entre rock, « coco beat » exotique et garage pop, la Lune et les Twin Twisters, instigateurs de la prog’ du soir, nous permettent une trouvaille de choix, qui plus est singulière, aussi impulsive qu’élégante dans ses mélopées, complètement impliquée dans ses plages sans détours. On pense à la folie des Cramps, ici plus loufoque encore (Monkeys in da house), et la Christmas party offerte aux amienois grimpe encore en intensité, dans une fantaisie créative assez bluffante (Here comes the snake).
Ne reste plus, après ce choix avisé, qu’à accueillir comme il se doit la folle classe des Twin Twisters. Lesquels vont se fendre d’une de leurs meilleures prestations depuis leurs débuts, qui verra même Hugo Cechosz, chanteur-guitariste de la paire, fendre la foule jusqu’à se retrouver en haut de la salle, au détour d’une déviance dont il a le secret. Dirty blues et elegant garage, plaisent-ils à se définir; il s’agit bien de cela et il s’avère vain, notamment ce soir, de chercher à résister aux Leave me now et autres Oooh girl, pépites survoltées, tempérées par des travaux moins directs comme l’avenant Can’t stop the rain, ou Lies, entre autres exemples de chansons à la fois brutes et pétries d’une classe qu’on ne contestera plus aux deux bonshommes.
Ces derniers, unis tels des frères, cognent à tout va, le font dans la distinction, calment le jeu pour ensuite ressortir les crocs et tout est parfaitement ajusté, en place, musicalement imparable. Cramps, Jon Spencer, Elvis évidemment; les références explosent et sont de mieux en mieux assimilées, dans le flux d’un rock’n’roll tendu, chaud comme la braise, que porte la frappe de Christophe Gratien, couplée bien sur aux vocaux de son comparse et à son jeu de gratte wild et étincelant. Geometric nightmare et nombre d’autres compos surchauffées, démoniaques, font de ce show de fin d’année un temps fort auquel il convenait d’assister. Qui porte les Twin Twisters, rejoints sur scène par des membres des deux autres groupes pour une chanson de Noël elle aussi impeccable, aux cimes d’un rock aux doigts fourrés dans la prise.
Set de haute volée donc, et soirée de feu, dans l’attente d’un album à venir dont personne ne doute qu’il livrera son lot de morceaux incoercibles et percutants, frappés du sceau de la classe.
Photos William Dumont.