La superbe grande salle du 106, évidemment pleine pour l’occasion, a donc dans un premier temps profité des oeuvres d’un jeune Américain élégant, négligemment élégant pourrait-on dire, à l’image de ses compos folk dont on pourrait toutefois regretter qu’elles n’aient pu prendre -c’eût été le cas avec ses deux musiciens- une tournure plus enragée encore, délibérément rock. Ce qui n’a pas empêché Ezra Furman, aux capacités estimables, de s’en sortir avec les honneurs, en évitant de rendre l’accueil des vedettes du soir plus longue encore.
Ezra Furman
De son jeu vif et chaud à un chant au ressenti sensible et à exalté, son passage, remarqué, aura de plus généré une belle trouvaille, accueillie avec enthousiasme par un public pourtant dans l’attente des deux francophones et de leurs deux collègues de scène, dont, surprise, un membre de Guided by Voices, Doug Gillard, qui bien entendu nous gratifiera de quelques attaques noisy bien senties, d’un apport certain dans le registre de Nada Surf, moins bruyant que celui des géniteurs de l’impeccable Let’s go eat the factory
Le show sera d’ailleurs plutôt rock dans l’ensemble, équilibré, énergique et convaincant bien que l’âge semble avoir, dans une mesure acceptable, « poppisé » le répertoire de Matthew Caws et ses éternels alter-ego: Daniel Lorca à la basse et Ira Elliot à la batterie. De nombreux morceaux phare (pas assez, à mon sens, tirés des deux premiers opus, les plus fougueux) suscitant le délire d’une foule une fois de plus conquise, qui bien entendu ne se laissera nullement déstabiliser par les rares moments ennuyeux, dus à la douceur sans grand relief de certains titres, qui émanent du show des auteurs de Popular, inénarrable tube joué en tout dernier rappel et, il faut le dire, excellent en live.
Nada Surf
Par ruades, Matthew fait parler la poudre, duellise avec Doug et là, on touche à quelque chose d’intense, combiné avec l’allant pop-rock plaisant d’autres passages: on suit encore le quatuor dans ses mélodies polies, mais on l’aime plus encore quand il lâche les rênes d’un rock impétueux; celui de ses débuts. Avec, cerise sur l’édifice pop-rock, une voix aussi douce que reconnaissable, à l’indéniable charme poppy.
Au final, le bonheur d’être là et de les voir l’emporte, et l’intensité générale du moment ajoute à la satisfaction ressentie. Satisfaction que les membres du groupe, dans l’échange (en Français s’il vous plait, Matthew et Daniel maitrisant notre langue à merveille) et la bonne humeur, accentueront encore. Avec, alliée à cela, une joie de jouer et une vigueur palpables qui, adjointes à des chansons ne présentant que peu de défauts ou de temps morts, feront bien entendu la différence. Pour, à l’issue, laisser un public sautant et dansant quitter la salle dans la félicité, les plus exigeants se disant toutefois -j’avoue en être- que les New-Yorkais auraient pu appuyer sur la pédale rock de façon un peu plus récurrente encore.
Photos William Dumont.