Se réveiller un dimanche est déjà une forte plaie. Mais sous la pluie, sur la boue et loin de ses bases, c’est démotivant. Pourtant, les techniciens des Eurocks ne chôment pas dans l’organisation et après quelques minutes de fausses rumeurs d’annulation, l’on nous confirme que tous les lives sont maintenus.
La journée débute et avant même de le voir, je remercie Jack White d’avoir accepté de participer à cette grise après-midi. Il fut ma motivation à lui seul durant toute la journée, son ombre planait sur mes épaules, comme s’il me chuchotait que le meilleur était à venir. Sur la scène de La Plage, les rappeurs de Set & Match me faisaient lever les yeux au ciel. C’est ici qu’une partie de l’âme du leader des White Stripes me tournait autour et me répétait sans cesse, sur un ton presque tragique, que tout irait mieux, bientôt.
Parce que de la patience, à ce moment-là, il en fallait. Set & Match est clairement l’un des pires concerts de ma courte existence. Un son moyen, des lyrics pauvres, je ne vois rien de positif.
Et ce n’est pas le Comte de Bouderbala qui allait arranger ça. Un spectacle hyper mécanique, aucun échange naturel. Je me suis senti violemment jeté en arrière, quand à l’école je récitais des poèmes sans intérêt en regardant la pluie tomber par la fenêtre sous un ciel gris.
Le Comte balança ses vannes fades et trop faciles, tombant si facilement dans une sorte de populisme un peu crade.Bon, de 17h à 18h, voici le choix crucial et difficile de la journée : 1995 ou The Brian Jonestowne Massacre. Les deux n’ont absolument rien à voir, mais assurent chacun dans leur style.
Ayant écouté mes classiques rassurants des Dandy Warhols à l’aller dans le train, je décidai de leur être loyal et penchai donc vers nos rappeurs frenchies.
Et à vrai dire, j’espère que le Moi qui eut à faire ce choix dans tous les univers parallèles possibles (What’s up Schrödinger ?) s’est orienté en majorité comme je l’ai fait, puisque je n’ai absolument aucun regret tant le dynamisme des parisiens était énorme.
Je découvris en même temps la plupart de leurs compositions, qui m’ont l’air de prendre grâce au live une ampleur considérable.
Ce fut un nouveau coup de coeur, envers ces artistes accessibles qui se donnèrent à fond, arrivant sur scène, gonflés à bloc. Ils permirent aux plus réticents de se jeter dans la boue, l’ennemi du jour, et de rentrer dans l’ambiance du festival qui faisait défaut en ce dimanche.
Le « Nique la boue » à leur entrée sur scène n’était pas en trop ! Tout le monde acquiesça.
Un plaisir partagé par l’ensemble du public, notamment durant la battle entre deux des cinq membres, chacun prenant une partie du public sous son aile à ce moment-là pour s’affronter (une battle, quoi).
Dans un tout autre style, Refused assurait sur la Green Room, malgré un set un peu lisse. Et même avec Dennis Lyxzén, le chanteur, à fond du début à la fin, ça n’a jamais totalement décollé, il manquait ce petit quelque chose à peine perceptible que personne ne trouva. Le punk hardcode des suédois est passé un peu vite.
On change encore de style pour voir Lana Del Rey. Sur la Plage remplie de spectateurs, un peu moins de la moitié des curieux était là pour se moquer de la pin up américaine. Symbole de la petite bataille entre ceux qui l’aiment et ceux qui la détestent, nous avons pu assister malgré une petite coupure de courant, à un set efficace mais qui eut tout de même un peu de mal à prendre son envol. Quant aux choqués-lobotomisés-FM qui trouvent qu’elle « chante trop mal en live, c’est trop abusé quoi », la demoiselle aura pu leur donner une petite leçon. Quoi qu’il doive en rester, des gens avec ce genre de jugements faciles, puisque c’est quand on ne connait pas qu’on juge le plus durement. Ceux qui l’ont vue auront j’espère laissé leur mauvaise foi de côté et savent dorénavant que si des reproches peuvent pleuvoir, ça ne peut être sur sa voix.
Le charme opéra en tout cas, notamment sur sa chanson phare « Video Games ». Direction la Grande Scène par la suite, afin d’être tout devant pour le grand Jack White. Mission réussie, il n’y a qu’un rang entre les grilles et moi, je n’ai plus qu’à lever la tête.
Et pendant une heure d’attente, c’est le son de Poliça qui raisonne de la Loggia, la plus petite scène des programmations. Du rock, de la pop, un peu d’électronique, un son très moderne, presque futuriste parfois, de quoi éveiller la curiosité pour se tourner vers l’album du groupe qui s’avère être une très agréable surprise.
On a à peine le temps de savourer, que Jack White arrive sur scène accompagné de charmantes demoiselles multi-instrumentalistes. Le son est sale, la guitare nous arrache le coeur. Jack White est surmotivé, presque en transe, doué d’une rage rock n’ roll incroyable, au milieu des musiciennes en tenue des années cinquante et dans une superbe ambiance rétro-blue-rock. Ils enchaînent les pistes du dernier album, notamment Love Interruption, et les plus vieux tubes des White Stripes, notamment ceux de l’album Elephant (certains se régalent encore des « Popolo popopo »). Même Steady As She Goes des Raconteurs, y est passée.
N’y a-t-il que Jack White pour faire d’une coupure de courant un moment savoureux ?
Lorsque la coupure survient, et que le (très nombreux) public gronde, l’artiste nous fait signe : restons silencieux et écoutons ce qu’il propose. Il se met alors tout devant la scène, prend une guitare sèche et reprend « We’re Going To Be Friends », sans câble, sans micro. Je fais donc partie des rares chanceux à pouvoir entendre, j’imagine que le son ne dépassait pas les trois premiers rangs. Quelle classe ! (C’est classe non ? Bon, je suis déjà un fervent défenseur du monsieur, il serait nu sur scène que je trouverais sûrement ça très classe, mais quand même !)
Puis le son revient, et toutes les émotions à ressentir sont difficilement transmissibles ici, mais pour la deuxième fois après le show des Cure, j’avais des frissons.
Et puis on peut se targuer de tous être les potes de Mister White, puisqu’il se permet un petit tacle envers les déserteurs du festival à cause de la boue. « Malgré la boue, vous êtes resté pour écouter de la bonne musique. On pourrait être amis » dit-il.Une fois la claque passée, il ne restait que deux lives à mon programme : Orelsan et Cypress Hill.
Alors que le premier se montrait sur scène un peu mou, pour un show surfait et un peu ennuyeux, où seuls les plus jeunes sautaient devant, les seconds ont permis une fin de festival complètement déjantée.
Un show exaltant à souhait, énorme tout simplement, de hip hop old school. Un set excellent. En plus d’être des bêtes de scènes, de produire de la musique lumineuse, ils sont d’excellents musiciens qui assurent grandement et montrent un réel talent, une réelle envie. Ce fut sûrement l’un des meilleurs lives de cette épopée 2012, et un clap de fin grandissime d’une édition des Eurockéennes entre forte chaleur et temps humide dans la boue et qui, malgré son rapprochement de plus en plus assumé avec la musique mainstream, a su, j’en suis sûr, ravir la plupart de ses festivaliers.(Les photos officielles des Eurockéennes, journée du dimanche, sont à retrouver ici : http://www.eurockeennes.fr/index.php/2012/photos-dimanche)
Article de la journée précédente pour Muzzart : SAMEDI