The Void
Les picards, amputés pour l’occasion de quelques titres, jouant donc en première position pour livrer un set qui, s’il ne perd aucunement en qualité, loin de là, souffrira d’un léger manque d’enthousiasme que ce fait inattendu aura sans nul doute généré. La valeur du répertoire n’est pas à mettre en doute, bien évidemment, mais l’implication sera ce soir moindre, ce qu’on peut comprendre tout en incitant le Void à prendre sur lui lors de tels faits.
Néanmoins, on se délecte toujours de sa pop brittanique finement ciselée, exécutée avec maitrise et inspiration et qui tend de plus, ces derniers temps, à élargir son champ, et on (re)découvre avec lequel on sait déjà qu’il faut et faudra à l’avenir compter. La date à la Lune des Pirates d’Amiens du 30 mai, avec Kid Bombardos, étant dans ce cadre une belle occasion d’une part de revoir le groupe, et d’autre part d’en valider les efforts et l’avancée, plus que méritoires et entérinés par des lives, et un album, imprenables.
Matt Elliott
Suite à leur apparition, un Matt Elliott lui aussi pressé par le temps, au naturel et à la classe désarmants, va jouer un set de toute beauté, serein ou plus expérimental, à la fois brut et émotionnel, doublé d’une extrême sincérité et d’une sympathie assortie d’un Français honorable. A l’image de sa dernière réalisation discographique et d’une trilogie parue sur le label Ici d’Ailleurs, le concert du soir, intimiste et déviant dans le même temps (rappelons ses travaux avec Yann Tiersen), singulier et porteur d’une ambiance fédératrice, qui incité à une écoute presque religieuse, est à inscrire dans la catégorie des moments précieux, chaleureux et non-conventionnels. Matt Elliott, habité, livrant son acoustique racée à des vocaux chantés ou enregistrés et à des dérapages sonores qui traduisent un esprit fertile, à la fois posé et tourmenté. Un superbe moment, frappé du sceau de la sincérité, du talent et d’une expressivité feutrée aux chemins de traverse merveilleux.
And Also The Trees
Vient alors l’heure d’accueillir le mythe anglais, âgé d’une bonne trentaine d’années en termes d’existence et passé par nombre de styles différents, entre cold-wave, post-punk et new-wave, acoustique raffinée ou tumultueuse avec comme trait commun une superbe de tous les instants et une fiévreuse distinction. C’est d’ailleurs ce qui va caractériser ce temps mémorable: un rock enfiévré, entre finesse du propos et ouvertures plus « bouillonnantes », que la théâtralité de Simon Jones et les interventions stylées ou nerveuses de son frère à la guitare, et des trois autres musiciens, mettent parfaitement en exergue. La musique du groupe transpire la classe, prend en certaines occasions l’air du grand large et des accents maritimes dans ses sonorités (on retrouve ces penchants chez d’autres « vétérans » anglais ayant pour nom New Model Army), pour en d’autres instants monter en puissance et imposer une attitude plus offensive. Ceci sans jamais se départir d’un subtilité dans le jeu qui fait du groupe une entité complètement personnelle que son parcours, long et fourni, renforce incontestablement. Avec l’élégance et les références anglaises qui vont avec, que le groupe a, dès ses débuts, faits siennes en n’ayant de cesse d’évoluer et d’innover hors de toute attitude opportuniste, récemment matérialisées par un Haunter, not the haunted de haute volée.
Comme ce concert hanté donné dans une Grange à Musique décidément précieuse.
Photos William Dumont.