Battan l’Otto
Comble pour l’occasion, la grande salle du 106 réserve dans un premier temps un accueil un peu trop timoré à Battan l’Otto, duo rouennais pratiquant un « ethno-rock » à base de chant traditionnel italien au douces effluves rétro, parfaitement original et pour le moins expressif dans les attitudes et le jeu comme dans les tenues. La musique de cette paire masculin/féminin, outre son cachet rétro enivrant et très stylé, a le pouvoir d’emporter ailleurs, et exhale des penchants renvoyant aux pays de l’est, en plus d’un certain impact sonore. Difficilement classable, ce qui renforce son côté unique, elle dévoile en tout cas un excellent groupe, Silvia Morini et hOli, guitariste au look façon Oural, jouant avec classe et détermination une collection d’essais dépaysants, à la croisée, aussi, de genres tels la cold-wave (Bella Ciao) ou le traditionnel, ou encore la folk. Le premier album, à paraitre le 20 mars, sera live et on ne s’en étonne guère au vu de leur prestation bigarrée, aussi lancinante (le sombre et lent Brigante se muore) ou encanaillée (Cortelatte) qu’enlevée (Addio Morettin), réellement captivante.
Bel espoir local, entièrement singulier, Battan l’Otto aura donc livré aux aficionados de la première heure, et aux autres, un set rendant l’attente plus qu’agréable. Le public se mettant alors, par intermittences, à réclamer Caravan Palace, promu « maitre de l’electro swing ».
Caravane palace
En effet et pour confirmer une certaine habileté doublée, ici aussi, d’une certaine originalité dans le style, les parisiens vont vite enflammer la salle, de toute façon acquise, par le biais d’un jazz electroïde rétro-moderne, entre références au passé dans le chant et instrumentation actuelle étayée par des séquences electro. C’est à la fois distingué et plein d’allant et les musiciens font en plus le show, rodés de toute évidence à la scène, avec en première ligne le chanteuse Colotis Zoé. Chez nous, on aime les revivals et celui-ci a le mérite, quand bien même le recours à l’electro est dans nos contrées largement usité, de se montrer assez inédit, et qualitatif dans les morceaux générés, pour justifier l’engouement populaire.
La question de la durabilité, le groupe se devant de ne pas rester figé dans le format, fut-il attrayant, se posera peut-être ensuite mais pour l’heure, les The dirty side of the street et autres Queens, ce dernier aux airs de cabaret enfumé, ou Rock it for me convainquent justement, à l’instar de Panic, second album sans faux-pas. Le pont entre les époques est mis en place avec panache et la scène bien investie, l’auditoire acclamant dans un bel ensemble les titres joués.
De surcroît, le répertoire étoffé de Caravan Palace permet un set généreux, jamais gratuitement rythmique (des plages plus nuancées comme Glory of Nelly le complètent bien) et la musicalité de la formation la crédite.
A l’arrivée, tout cela donne un énième moment de félicité au public normand, et une belle prestation, en attendant par exemple Other Lives ou The Ex, prochains invités de la Smac du quai Jean de Bethencourt.
Photos William Dumont.