Le rendez-vous était pris, vendredi 2 Mars, dans la petite salle de la
Rock School Barbey, pour assister à un live plutôt spécial. Le concert
affichait complet déjà quatre jours avant le jour J.
La petite scène
de la Rock School, à côté du bar où patientaient avec un verre les plus
impatients, nous mettait dans l’ambiance. On était presque chez Giedré,
tous invités dans son appartement à l’attendre durant de longues
minutes dans l’ombre de la lumière tamisée. Scène où logeaient quelques
nains de jardin, deux poupées gonflables, des champignons géants, un
nounours poignardé, des jouets en forme de chat, de canard ou de chien,
le tout installé sur une pelouse verdoyante.
Cette petite communauté se voyait enfin rejoindre par l’étrange et adorable chanteuse et sa guitare.
Giedré en concert, c’est de la chanson, des accords à la guitare qui se
ressemblent beaucoup, des paroles crues (on y reviendra), un sourire
extrêmement charmeur et beaucoup de rires. On est entre concert et
spectacle humoristique.
La jeune fille a notamment fait les premières parties des spectacles de Raphaël Mezrahi et des concerts des Fatals Picards.
Devant le public, Giedré chambre sur la ville de Bordeaux, et nous
raconte de petites histoires sorties de son imagination. Puis elle
enchaîne sur ses chansons, nous présentant son ex qui bave dans « Quand
tu dors » ou nous ventant les mérites de la vie qui « peut être cruelle ».
L’humour un peu gras frôle parfois la légendaire « beaufitude », rattrapé
en cela par la candeur et la naïveté de l’interprète. Le public est
hétérogène, on y trouve aussi bien des jeunes branchés, des curieux qui
ont entendu parlé de cette fille un peu folle racontant des atrocités,
des bobos trentenaires ou des personnes assistant sans doute à leur tout
premier concert.
La chanteuse d’origine lituanienne rassemble donc, par cette poésie si spéciale.
Elle mêle la chanson française pop folk à l’humour noir assumé, sa voix
fluette à des mots crus et des idées qui dérangent. C’est là que Giedré
plaît.
Elle ose arpenter les chemins sinueux de la pédophilie,
de l’inceste, du handicap avec humour et décalage. Cela peut sembler
totalement gratuit à la première écoute mais elle affiche une volonté
cachée de dénoncer l’hypocrisie générale de la société, voire même de
l’existence dans son ensemble.
Giedré est incapable de créer « Une jolie chanson » et dit très justement dans cette dernière :« […] Ou si tout simplement
On se mettait d’accord,
Pour dire que finalement,
On est tous des gros porcs,
Je pourrais chanter
Mes chansons soit-disant moches
Sans recevoir de colis piégés
Et de lettres de reproches…« Il y a un fond, mais Giedré semble aussi ne pas se prendre la tête sur
le message, elle assume le plus normalement du monde ses textes et s’en
amuse beaucoup. Autant dans ces chansons qu’entre celles-ci.
Ainsi,
ses chansons nous parlent d’amour à sa façon, « L’amour à l’envers« ,
« L’amour en prison« , « Ode à la contraception« , nous content des bouts
de vie tragico-rocambolesques avec « La petite camionnette« , « Les petits
enfants« , ou s’interrogent sur les gens de manière plus intime dans « On
fait tous caca » ou bien « Les questions« .
Entre ses chansons,
Giedré fait le lien entre ses textes et ses proches, nous expliquant
ainsi qu’elle a su très tôt comment on « fait les bébés » car elle a vu
une vidéo de ses parents filmés par son grand-frère. Elle nous présente
aussi sa petite bande d’amis avant d’entamer « La bande à Jacky« , nous
propose de « faire des anus plutôt que des coeurs » avec nos mains et nous
remercie d’être venus avec un gratifiant « Vous êtes pas tous très
jolis, mais vous êtes très gentils ».
Après son rappel, elle fera une
dernière chanson intitulée simplement « La chanson du rappel« , remettant
une couche sur le viol, la prostitution, la maladie et le meurtre, avec un sourire paradoxalement enfantin.
Etrange ambiance donc pour une soirée franchement très drôle où
l’horrible côtoie le mignon et dont le fond et la forme ne plairont pas à
tout le monde.
« Je ne suis pas méchante, c’est le monde qui est pourri, si la vie était moins violente, je le serais aussi. »