Sensible, dotée d’un joli filet de voix, elle y dévoile dix titres pop, dans leur sensibilité, sinueux, et un ensemble qui ne se livre qu’à l’issue de plusieurs écoutes pour finalement s’imposer comme un disque presque addictif.
On est parfois loin de l’intensité sonore récurrente de son groupe mais ici, c’est l’émotion, et les climats tant prenants que chatoyants et gentiment pervers, qui font la sève de l’oeuvre. Entre la délicatesse d’un The first stone sombre, aux sons troublants, et les douces saccades de Faith box, porté par un chant charmeur et aussi joliment serti que son prédécesseur, le ton est donné et lentement, Isle of you s’incruste et ne quitte plus l’auditeur, que le spatial Jesus made in Taïwan contribue à envoûter. On reste bien sur dans la retenue, ce qui peut frustrer, mais l’élégance des plages et leurs penchants dépouillés mais non-conventionnels, tout en restant accessibles, permettent à Sir Alice de maintenir l’intérêt….qu’un duo avec Nicolas Ker, l’homme qui magnifie tout ce qu’il chante, ne lui fasse franchir un cran. Jazz sufureux, ce Héra amorce une montée en puissance que confirme Phantom, en doux-amer de qualité, abimé par des cuivres torturés et animé par un rythme soutenu.
Alice Daquet s’essaye avec succès à l’élaboration d’un genre différent, Holy ghost et son atmosphère évoquant une PJ Harvey entre douceur et rudesse renforçant sa pertinence, tandis que la dame nous réjouit en réinstaurant son chant encanaillé et une instrumentation sauvage.
Insidieux, le disque poursuit ensuite sa marche en avant sur le plus que sobre The bird sanctuary, nuptial. Puis l’expérimentation prend les rênes de Il ragno, chanté avec Colin Ledoux, superbe réussite trip-hop sonique et cosmique, voix grave pour l’un et plus enjôleuse pour l’autre, avec pour effet de créer un contraste qui ajoute à l’excellence de l’essai.
L’échappée vers des contrées tourmentées, plus vives, se confirme avec U.F.O., au rock cold et new-wave à la fois, que des nappes de synthés avenantes et dérangées, et des guitares bourrues, rendent grandement probant.
Enfin et comme pour finir sur une note définitivement noire et déviante, le duo avec Lydia Lunch, Sisters, instaure une trame aussi sensitive que menaçante, tordue, au bord d’une explosion qui ne viendra finalement pas, pour conclure avec classe et déviance un opus de plus en plus riche et unique au gré des écoutes. Et qui outre cette vertu, apporte la preuve que Sir Alice, même en solo, se montre troublante, troublée aussi, et extrêmement convaincante.