Avant la sortie d’Invisible, nouvel album prévu pour le 26 mars, questions à Louis Warynski, seul maitre à bord de son projet Chapelier Fou à dominante expérimentale…
Photos: Alexandre Tourret
Photo avatar: Frank Loriou
1. Chapelier Fou, est-ce là un clin d’oeil à une certaine « folie revendiquée », mâtinée de distinction, sur le plan humain et musical?
Pour tout dire, je ne me suis pas nommé moi-même comme cela. Des copains marquaient ça sur les disques que je le gravais, parce que j’utilisais beaucoup de samples de voix, et en particulier celle du Chapelier, piquée sur des vieux vinyles de contes. Et c’est resté.
2. A l’heure de la sortie d’Invisible, quel est ton ressenti à l’égard du produit final? Penses-tu être parvenu à tes souhaits initiaux quant son contenu?
Je n’ai pas de « souhait initial ». Les choses se construisent petit à petit et trouvent une cohérence au cours d’un processus long. Certains morceaux sont des morceaux que je jouais déjà sur scène avant de les coucher sur un disque.
D’autres, par contre, ont été fabriqués, pensés pour être sur ce disque. J’ai voulu me laisser la liberté de partir dans tous les sens, ne rien m’interdire, tout en veillant à garder une couleur, une identité qui court tout le long du disque. Pour cela j’ai usé de plusieurs choses : des « signes » sonores plus ou moins cachés et récurrents, des mélodies presque toujours construites sur des gammes et l’utilisation d’un nombre réduit de synthés analogiques (surtout le trio Roland Sh-101, Korg Mono/Poly, MFB Kraftzwerg, mais aussi un Roland JX-3P, un Sequential circuits Pro One et un Korg MS-20).
J’ai de nouveau tout enregistré et mixé seul, à la maison, et suis satisfait du résultat en termes de son. De toute façon, je n’ai pas le choix, je ne m’imagine pas enregistrer un disque dans un studio.
Quant au « produit final », en termes d’objet, à l’heure où je réponds à cette interview, je ne l’ai pas encore eu sous la main. Je suis vraiment impatient car avec Grégory Wagenheim, on a vraiment déliré sur le concept, l’objet et ses déclinaisons.
3. D’où t’est venue l’idée de ce mélange inédit qui génère ton univers musical?
Je fais simplement ce que je peux faire, avec les outils que je connais. Je n’ai rien prémédité en termes de « style ». Si j’étais enfermé avec un stylo à bille, une friteuse et une soupe au caramel, j’essaierais de faire de la musique avec ça.
4. L’orientation de tes travaux musicaux n’est-elle pas périlleuse, de par son côté audacieux et non-conventionnel, eu égard entre autres à la « frilosité » du public hexagonal?
Il y a là un paradoxe. Soit ma musique est facile d’accès, soit le public hexagonal n’est pas si « frileux »…
5. Quel accueil t’a t-on réservé jusqu’alors dans le domaine scénique et discographique?
La scène et le disque sont deux choses bien différentes.
Avec la scène, on a un contact direct, on sait quand ça plaît ou pas, on discute avec les gens, tout ça…
Les disques, c’est plus complexe. Les journalistes font des critiques. Lire une critique de ce qu’on a sorti, c’est très bizarre. Des fois on se dit que le mec n’a vraiment rien compris, voire qu’il a à peine écouté le disque. Ou alors je me dis, « Ah bon c’est ça que je fais ? », et ça me fait réfléchir. Parfois, certains retours me semblent d’une justesse époustouflante. Paradoxalement, plus le média est gros, plus il y a des chances que ce qu’on y raconte soit crétin. Les choses les plus intéressantes, je les lis sur des blogs musicaux.
6. L’innovation, la prise de risques semblent être ton cheval de bataille, l’essence même de tes créations. Confirmes-tu mon hypothèse?
Mon crédo, c’est d’essayer de repartir de zéro à chaque morceau.
Et puis la musique est un terrain de jeu. C’est même spatial. On se lève, on bouge, on branche, on débranche, on allume, on éteint, on joue d’un instrument, on place des micros. L’innovation, elle résulte de l’immensité de ce terrain de jeu.
7. Tu as collaboré avec Matt Elliott sur Invisible et à l’écoute, je trouve que l’inclusion du chant donne une dimension supplémentaire au rendu. Est-ce selon toi une piste à creuser à l’avenir?
Pourquoi pas ?
Peut-être je ferai des disques pour des gens, un jours. Mais Chapelier fou est avant tout une identité instrumentale.
8. Que t’apporte ton « appartenance » à Ici d’Ailleurs, connu…d’ailleurs pour son catalogue audacieux?
Tout simplement la possibilité de sortir mes disques à grande échelle, tout en gardant le même esprit que l’époque ou je faisais des disques gratos sur CD-R.
Et puis aussi des rencontres. Matt pour ne citer que lui.
9. Quels projets, si ce n’est tourner j’imagine, suite à la sortie d’Invisible?
Tourner, bien sûr.
Mais pour tout dire j’ai pas mal de propositions parallèles : des BO, des bandes-son, des créations pour du théâtre, etc…
J’ai de quoi m’occuper, et j’ai même le luxe de refuser des choses.
On a aussi un projet avec Gerald Kurdian et le conservatoire de Laval, c’est assez excitant. Si tout se passe bien, on envisage de jouer cela dans d’autres villes, en bossant à chaque fois avec des musiciens sur place.
10. Quel différences perçois-tu entre cette nouvelle sortie et les précédentes?
Je sais enfin ce qu’est cette fameuse « angoisse du second album » !
11. Comment qualifierais-tu ton oeuvre générale, connue et appréciée pour, justement, son côté inclassable?
C’est pas mal. 12/20.
12. Tes tournées t’emmènent en divers endroits du globe. Sera-ce encore le cas pour jouer et promouvoir Invisible? A l’occasion de ces périples, qu’en tires-tu mis à part le fait d’être « sur les genoux » à ton retour?
J’ai commencé déjà à jouer des nouvelles choses à l’étranger. En Suisse et en Angleterre. Quand le disque sortira, je serai juste de retour d’une tournée en Australie, Nouvelle-Zélande et Chine.
Je commence à admettre que la fatigue fait partie de ma vie. Je ne vais quand même pas me plaindre… Si il y a un truc frustrant, c’est que bien souvent, je n’ai pas le temps d’apprécier les endroits où je vais…