Sallie Ford
C’est donc Sallie Ford « from Portland » qui ouvre en imposant un rock’n’roll jazzy racé, la « touche bleue » émanant de la voix caractéristique de sa chanteuse. La recette fonctionne, équilibrée entre élans feutrés mais jamais mièvres et instants plus nerveux, un titre tel que Danger, ou Cage et ses choeurs masculins, contribuant grandement, comme nombre d’autres, à faire dudit concert un moment marquant. Le mérite de ce groupe, outre ce chant singulier, est d’oeuvrer avec succès et talent à la construction d’une identité personnelle, déjà pratiquée ailleurs certes mais sacrément attractive et pétrie de classe, réhaussée par des plans bluesy subtils.
Coming Soon
Belle amorce donc, à laquelle Coming Soon va donner suite avec des vertus au moins égales. Son bric à brac des gennres, entres folk et touches lo-fi voire noisy, et ses influences revendiquées (l’antifolk américain) en font à la fois un inclassable et un indispensable, qui passe du rock tranchant à un essai folk sans la moindre anicroche, le tout sous le sceau d’une belle sensibilité musicale et dans un esprit rock indéniable. Superbe, aussi digne d’intérêt dans ses offensives (nous eûmes même droit à une sorte de blues plombé très brut, explosif, démentiel) que dans ses orientations plus poppy ou pop-folk, instrumentalement merveilleux, orné avec soin et imagination, le registre de Coming soon enchante et met aussi en valeur une voix sensitive. Le « singer » se retrouvera même au milieu du public, embarqué dans une superbe a capella, avant une fin de concert tout aussi extatique et ambitieuse. Les mélopées stylées ou plus tarabiscotées, que de légères touches electro valorisent et optimisent à l’unisson avec des voix entremêlées (remarquons l’intervention, discrète mais gracieuse et décisive, d’un élément féminin), de ce septuor permettent pour la plupart une superbe « trouvaille », et pour d’autres un concert enchanteur, à l’image de leurs albums studio dont je vous conseille l’acquisition toute séance tenante.
Hanni El Khatib
Suite à ce passage remarqué, le très attendu Hanni El Khatib débarque, flanqué de son pote d’enfance batteur, et rafle la mise avec, fidèle à l’album mais incandescent sur les planches, l’irréprochable contenu de son Will the guns come out. Le duo, puissant mais nuancé quand cela s’impose, joue un rock’n’rolll furieux et fiévreux, aussi daté qu’actuel et devant autant aux Cramps qu’au rock originel d’Elvis, sous couvert d’élans garage ou rockab’ du plus bel effet. Puissante, riffante et hurlante, marquée elle aussi par une grande classe et une pelletée de morceaux de haute volée, voilà une fin de Nuit de l’Alligator tout simplement énorme. Le dévastateur Fuck it you win, un Build.destroy.rebuilt également incoercible aux riffs sans fard tout comme Loved one, un Heartbreak hotel plus modéré, pour résumer, alliés à la rage du personnage et combinées à des reprises de choix (Cramps, Funkadelic), font qu’à l’arrivée, les attentes du public, conséquentes, sont entièrement comblées. Et la perfection musicale du bonhomme validée haut la main sur l’espace scénique d’un 106 à saluer, encore une fois, pour ses choix pertinents et le rendu qu’ils procurent.
Photos William Dumont.