Comme pour bon nombre d’artistes estampillés Herzfeld (A second of June, feu Crocodiles, Lauter ou encore Electric Electric), Einkaufen possède son style, qu’il développe avec un certain brio et met en valeur dès l’introductif XIII, aux fulgurances bien amenées qui complètent, donc, des vocaux plutôt posés et se greffent à des textes inspirés. Il y a dans l’instrumentation des embardées noisy qu’on appréciera tout autant, à l’instar de ce break rythmique qui permet de relancer la machine efficacement et de claviers épars bien investis.
Einkaufen use à nouveau de cette verve dans le rythme et le son sur XII, plus acéré encore et assorti d’une belle touche acoustique à l’issue de laquelle ça repart plein pot mais de façon plus saccadée. Les compositions accrochent vite l’oreille et les Mulhousiens (le masculin l’emporte du point de vue grammatical en dépit, ici, d’une féminité qui accouche de bien belles choses) éclaircissent légèrement leur contenu, sur le début de VII, à l’aide des claviers, pour ensuite intensifier la cadence et instaurer un chant rêveur associé à un autre organe plus « conventionnel ». On enchaine ensuite avec les riffs rudes, excellents, de XV, que mènent des guitares bourrues, à nouveau très appréciables et que la dualité des voix évoquée plus haut enjolive.
On peut faire la fine bouche, argumenter en invoquant un format immuable ou presque; qu’importe, le groupe a trouvé sa voie et quand bien il lui est encore permis de l’étayer, le contenu, solide, fait de lui une belle trouvaille.
La seconde partie de l’album en apportera la preuve, avec pour commencer les riffs encore une fois bien ficelés de IX et son texte cru mais estimable, où le tempo se montre changeant tout en conservant ce côté appuyé qui sied au groupe et à son registre. Ensuite, XI remet en scène les six-cordes cinglantes des deux dames, géniales, ainsi qu’une basse qui ponctue le tout avec un groove décisif. Si on y ajoute ces chants caractéristiques et une cadence souvent vive, en d’autres endroits savamment tempérée, il va de soi que la formule fonctionne.
On le vérifie sur l’intro retenue puis la totalité de IV, morceau exempt de rythme, d’obédience presque shoegaze, dont le contenu apporte un plus à ce premier jet éponyme.
Enfin, la frappe sèche et insistante de XIV et ses six-cordes obsédantes -c’est presque une marque de fabrique chez Einkaufen-, suivie d’une voix elle aussi reconnaissable et faisant partie intégrante de la « recette » du groupe, vient parfaire le tout. On songe d’ailleurs, parfois, à Dolly dans ce qu’il avait de plus rude, à la différence qu’Einkaufen s’appuie lui de façon régulière sur des voix délicates, et évite avec à propos le registre plus suave, contestable, que pouvaient avoir les nantais.
On y trouve en tout cas son compte et on s’empressera, passé les premières écoutes, d’y revenir après avoir rangé cet opus dans la catégorie des trouvailles significatives signées Herzfeld.