The Blue
Pour sa cinquième soirée depuis la reprise de son activité, l’association Amiens Burning, animée entre autres par Babak Taghavi et Antoine Agricola, avait opté pour un lieu nouveau et plus spacieux que les emblématiques mais limités Lucullus et Grand Wazoo puisqu’en cette occasion, c’était l’Antidote, bar situé à même le flanc droit de la Maison de la Culture, qui lui ouvrait ses portes.
Symboliquement, l’intiative est significative et de surcroît, elle s’accompagnait d’une innovation dans le paysage musical du collectif puisque les deux groupes mis à l’affiche, The Blue (récemment intégré à A.B.) et Martin Angor, oeuvrent dans un créneau entre electro-rock acidulé pour l’un et à mi-chemin de Gainsbourg, Bertrand Belin pour la distinction verbale et des embardées new-wave, parfois rageuses, pour le second.
Le public, bien qu’ayant pour certains quitté la salle lors du superbe set de The Blue, accompagné d’une créature virtuelle dont on jurerait qu’en dépit de son immobilisme, elle l’accompagne réellement, en a eu pour son argent (trois euros plus une consommation; à ce prix-là et pour cette qualité, venir en nombre n’est que logique), et a donc pu dans un premier temps découvrir l’univers de The Blue. Le multi-instrumentiste, talentueux à l’extrême et auteur d’un brillantissime Mission Amiens récemment, ayant en cette occasion fait mieux que confirmer et tirer son épingle du jeu. Sur scène, son mix entre rock et electro envoûte, aidé en cela par son accoutrement spatial et le visuel de sa complice et notre homme balourde des riffs secs mêlés à des séquences electro bien senties. Le mélange stylistique est de mise et on oscille avec virtuosité et inspiration entre pop, rock, funk et psychédélisme, le résultat de ce brassage de haute volée ayant pour nom French electronic pop. On pense parfois, aussi, à Ultra Orange première mouture, celui de l’album éponyme, et on se trémousse au son de ces compos impeccables, originales et parfaitement pensées.
Superbe surprise donc, avant une seconde qu’on pressentait tout aussi brillante et novatrice. Et ce fut le cas, malgré quelques décalages dans le jeu, Martin nous régalant d’une prestation à la fois subtile et enlevée, élégante dans le verbe, musicalement accomplie, enjolivée par les chants associés, les volutes de synthé, imaginatives, et les quelques guitares rageuses (Belle comme une AK47) qui parsèment le tout. Sombre disco, « dark » et finaud à la fois, le narratif Je voudrais quelque chose ou le tubesque Le rêve américain, parmi d’autres, distinguent ce quintet captivant et son leader, dont on ne s’étonne aucunement qu’il ait été choisi par les Inrocks parmi les albums de la rentrée. Textuel, entre rock et new-wave, entre actualité et passéisme bien assumé, Martin Angor s’impose à son tour et parfait une « première » qu’Amiens Burning ne manquera pas de renouveler tout en se félicitant, pour l’heure, d’avoir porté son choix sur ces deux artistes.
Photos William Dumont.