Wooden Shjips
J’optais bien entendu pour la seconde solution, attiré par l’affiche et la valeur des deux groupes au psychédélisme hypnotique et enivrant. Les Anglais de The Oscillation, forts d’un Veils récent et renversant, prenant sur eux d’emballer dans un premier temps une assistance d’abord distante, mais dont l’enthousiasme allait monter en flèche à l’écoute des morceaux à dominante instrumentale, aux voix donc floues et éparses
entièrement prenantes comme Future echo, obsédante avec sa basse martelée et ses claviers dérangés. Dans une atmosphère brumeuse, en recourant à un éclairage réduit au minimum, un écran placé derrière lui affichant une sorte de kaléidoscope psyché allant de pair avec son répertoire, le quatuor londonien convainc et assène dans le même mouvement quelques bourrades soniques en parfait complément de ses essais hauts perchés (Fall). La répétition de ses motifs sonores suscite une forme de dépendance et quand bien même il se veut statique sur les planches, à l’exception d’un clavier qui se fendra de quelques déhanchements qui valent le coup d’oeuil, on peut d’ores et déjà l’affirmer: l’amorce de cette rentrée sur les quais rouennais est parfaitement réussie. On se trémousse au son de Telepathic birdman ou du plus leste Shake your dreams awake, qui nous prend dans les filets de ces sonorités vaporeuses, et on arrive à la fin de cette première partie avec le plaisir, conséquent, d’assister à une affiche une fois encore bien sentie.
Wooden Shjips
Arrive alors, après un entracte passé à flâner dans un 106 dont l’ambiance et la configuration donnent de façon réccurente l’envie d’y revenir au plus vite, le quatuor de San Francisco, auteur lui d’un West masterisé par l’ex Spacemen 3 Sonic Boom. L’un de ses membres évolue dans Moon Duo, tout aussi recommandable, et sans plus attendre, Wooden Shjips nous plonge à son tour dans ses climats psyché un poil plus tapageurs que chez The Oscillation, avec en tête de file ce Lazy bones ravageur. Fuzz, voix distanciée, riffs répétés et capacité à créer un ensemble à la fois flou et compact, alerte et lancinant, font du groupe une belle machine scénique, au registre certes pas très éloigné de celui de ses prédécesseurs d’un soir mais redoutable quant l’effet produit sur les spectateurs, comblés et qui réclameront un rappel amplement mérité. Son bassiste amenant du mouvement à des titres déjà impeccables, le krautrock 60’s relifté avec maestria de la clique américaine vient donc compléter et parfaire une soirée encore une fois marquante -on n’en doutait guère s’agissant du 106 mais le vivre fait le plus grand bien-, en prélude à une programmation fournie qui nous offrira, entre autres, Patti Smith ou Pete Doherty, les Little Bob Blues Bastards ou The Lords of Altamont, pour faire court et sans oublier les indispensables 106 Experience du mardi, source de découvertes à prendre en compte.
Wooden Shjips
De Black smoke rise et ses claviers en spirales, martial, à Rising, plus lent et plus « nuageux », les protégés du label Thrill Jockey assurent eux aussi le coup et drapent leurs aficionados du jour dans une chape tout aussi prenante que celle de leurs collègues, qui plus est diversifiée et jamais lassante. Et on quitte les quais normands avec l’esprit en joie et dans les nuages, de turbulents nuages, avec l’alléchante perspective d’y revoir de bien belles choses sans tarder.
Wooden Shjips
Photos William Dumont.