Depuis ses débuts, avec la sortie d’EPs déjà décalés, puis Mirrorred en 2007, qui jalonne sa signature chez Warp et le distingue cette fois à grande échelle, Battles n’a eu de cesse d’inventer, de reformuler, et signe avec ce nouvel opus une oeuvre grandiose, indéfinissable. Exigeante, sans limites, elle émerveille tout comme elle peut décourager les moins perspicaces.
Ceci étant, même les premières écoutes incitent d’entrée à l’addiction et passé l’effort d’assimilation, on revient à ce disque comme aspiré. Entre élans math jamais envahissants, plages electro sacrément imaginatives, rythmes africanisants et interventions décisives, au premier rang desquels on peut trouver Gary Numan ou Kazu Makino de Blonde Redhead, le premier sur l’electro tapageuse et d’esprit rock de My machines, irrésistible et bardée de sons ingénieux, la seconde sur un Sweetie & shag à la fois sucré et alerte, tout aussi bon, Gloss drop captive sans rémission. L’entrée en matière, ce Africastle bien nommé, tel un édifice…sonore virevoltant, plus « dark » en certains endroits, aussi math que dépaysant, donne le ton et on ne décrochera plus, tant le brio de Battles et son adresse à « envelopper » ses compositions le rend passionnant. Ses instrumentaux valent autant que ses morceaux chantés, dont Ice cream qui voit Matias Aguayo, DJ techno, y poser une voix remarquable, sur une ambiance vive et dépaysante que balafrent les guitares imparables de Williams et Konopka. La frappe de Stanier, batteur plus que reconnu, faisant « prendre le ciment » avec la maitrise qu’on lui connait.
Ca groove dans tous les sens (Futura, magique), ça joue sobre et technique à la fois, dense mais jamais dans un excès dommageable, et Inchworm, aux motifs obsédants, confirme dans sa valeur un début d’album de haute volée, qui prendra fin sur Sundome. Yamantaka eye , des géniaux japonais avant-gardistes Boredoms, y chante dans un climat psyché et expérimental, dub aussi mais de façon déviante, à la limite, également, d’une musique sud-américaine encanaillée.
Entre deux, les parades sonores de Wall street ou White electric, entourant des morceaux courts mais intéressants comme Toddler, auront parachevé l’opus et validé l’excellence d’un groupe auquel on demandera tout juste à l’avenir une chose: réitérer son travail de « simplification » de son répertoire et continuer, dans le même temps, à développer ses collaborations. Celles-ci amenant, en plus d’un chant qui rompt avec bonheur le flux d’instrumentaux, parfois un peu lassants de par leur nombre, un résultat en tous points remarquable.