Plus mélodique mais tout aussi décalé et insoumis que les travaux de Gowns, l’opus dévoile de superbes épopées folk-noise habitées, obscures et dont émane l’émotion et le côté « dark », l’énergie aussi, qui fait défaut à PJ Harvey, à laquelle on pense en plusieurs occasions sur Past life martyred saints (Anteroom, chanson posée mais troublée par des sons à la Swell et des guitares à la Breeders, fines et épaisses dans le même temps).
L’univers ainsi défini est unique, prenant et fait effet dès le sombre Grey ship, morceau d’ouverture long, fait d’un folk noisy mis en voix par l’organe subtil et désenchanté de la demoiselle. Sa fin colérique le porte vers le sommets et la belle gardera intacte cette folié créatrice, identique à l’image que renvoie son personnage, jusqu’aux derniers instants de Red star, ballade lancinante que des six-cordes une fois encore pétries de classe et de sensibilité, mais épaisses, valorisent à l’unisson avec le chant.
On touche aussi au shoegaze sur California, la noise alerte et torturée, de Milkman savamment ornée par ces sonorités déjantées, fait ensuite lui aussi la différence, et l’album offre une diversité fatale, qui en augmente l’attrait sans en dénaturer la pertinence.
Ainsi se présente Coda et son cheminement gospel, court mais joliment exécuté, que Marked relaie dans une veine folk plaintive et assombrie, à l’effet saisissant, et qui livre des souillures noisy en parfait contraste avec l’expressivité et l’émotion du chant.
Sur Breakfast, ces vocaux se font valoir avec élégance et magnificence, se heurtant sans vaciller à un arrière-plan noisy. Puis Butterfly knife, plus tourmenté, bardé de guitares ici encore extatiques, à l’instar du chant d’EMA, impose son canevas expérimental accessible, aux chants mêlés de toute beauté.
Avec le Red star évoqué plus haut, c’est un disque singulier, et entièrement réussi, aux teintes captivantes, que livre la jeune femme dont la carrière solo prend par la même occasion un départ tonitruant.