Il faut dire, ou rappeler, que le bonhomme a fondé Bondage Records , »antre » du rock le plus indé qui soit, avec Marsu des Béru. Artiste pluriel, il intègre un collectif nommé Catch my soul, qui mêle musique, images et écriture, et fonde Mega Reefer Scratch, qui fusionne les genres avec un certain sens du « collage ». De là nait sa carrière solo, émaillée donc par les album précités, et que l’opus décrit ici valorise merveilleusement.
On y trouve de tout, de ces guitares acides sur voix et rythmes évoquant Madchester (I’m a hero, complètement addictif), après une amorce tenant en ce Ballad for a bella donna (prt.1) court mais annonciateur d’un contenu hors-normes, que suit d’ailleurs The attention span of a butterfly, superbe, entre mélodies 60’s et trame musicale inventive, doté d’une dualité vocale prenante, pour aboutir ensuite à Too close to death, fait d’une pop-rock synthétique et vivace, légère aussi, du meilleur effet, souligné par des guitares une fois encore acidulées en sa fin. Kid Loco maitrise l’art du brassage et s’appuie sur son feeling et sa créativité pour imposer des titres sans failles, captivants, tel Stupidity & the foxy lady, aérien et entrainant, enjolivé par la trompette de Piero Pépin.
Pétri de classe, ce nouvel opus égale largement les meilleures oeuvres de Prieur, et livre, après le I’m a hero décrit plus haut, une chanson mélancolique et détendue, The land of broken hearts, elle aussi avenante.
On en arrive alors au second volet de disque, amorcé par Ballad for a bella donna (prt.2) décoré par l’accordéon d’Olaf Hund et d’une extrême élégance. Les musiciens habituels de Kid Loco ne sont bien évidemment pas en reste et concoctent de superbes enveloppes sonores, entre autres sur le poppy The morning after, où Louise Quinn y va de son chant charmeur, de concert avec le Kid. Rien ici n’est à négliger, et l’exotique My daddy waza instaure ensuite des sons jazzy et dépaysants, des accords funky aussi, adroitement imbriqués. Le tout dans une prestance vocale inattaquable, qui se met aussi en évidence sur Friends of mine. L’atmosphère est à la fois claire et sulfureuse, la musicalité continuelle, l’excès jamais de mise, et on succombe ensuite à The night I had a smoke with C.B., au rock empreint de coolitude, mais teinté de touches plus rudes, réminiscent de la vague Madchester.
En fin d’album, on trouve une reprise de The passenger, d’Iggy Pop, en mode pop sulfureuse, distinguée aussi, qu’on rangera au rayon des « covers » estimables. Puis Whatever works, posé, serein mais frappé du sceau d’une discrète mélancolie, met fin à un ouvrage de toute première qualité, qui incite d’une part à la réécoute régulière, et d’autre part à se replonger dans la discographie d’un des artistes les plus en verve de la French Touch.