Il y avait donc de quoi « rappliquer » par quel moyen que ce soit dans l’ancienne installation portuaire du quai Jean de Béthencourt et dans l’attente de l’arrivée de ces pionniers du garage-punk 60’s, le trio féminin a « dégagé le terrain » après une prestation plaisante, jonchée de bons morceaux mais qui, vu le répertoire rock de la « clique », manquait un peu d’impact sonore. Le groupe s’est « emballé » en de trop rares occasions, donc, mais s’est avéré être une belle entrée en matière, sur le plan stylistique, avant les Sonics. Great balls of fire, par exemple, ou The barracuda, ont permis aux 5.6.7.8’s de faire monter la tension d’un cran, et de faire valoir une série de morceaux entre charme rétro et sonorités actuelles. I’m sorry mama I’m a wild one et son rythme effréiné constituant à mon sens le point d’orgue d’une prestation perfectible, sans aucun doute, mais malgré tout de belle facture.
L’assistance, elle, bien qu’étant massivement venue pour Rosly and Co, s’est en tout cas enthousiasmée pour le set des demoiselles, au demeurant charmantes et non-avares en poses remarquables, et l’attente débutait donc, « allégée » par leur set…avant que les deux nouveaux, Ricky Johnson à la batterie et Freddie Dennis, aussi « tassé » que fougueux et probant sur scène, au chant et à la basse, et les trois légendes Larry Parypa (guitare), Jerry Roslie, donc (chant et claviers) et Rob Lind (saxo et chant), ne débarquent sous les ovations nourries de la Grande salle du 106.
Confiant, on se demandait malgré tout, après toutes ces années, si le groupe tiendrait la route et ne souffrirait pas d’un petit « coup de mou » du à l’âge et au fait d’avoir stoppé un temps leur activité commune.
Sonics
Que nenni, les cinq vétérans de Tacoma ont enchainé les morceaux sans faiblir une seconde, dans une urgence punky et une cohérence d’ensemble à saluer, dotés de plus d’un son-c’est désormais une habitude dans cette salle- parfait, certes moins « dépoli » qu’à l’époque mais puissant, rock tout en restant audible. Le hautement estimable Dominic Sonic(s), grande figure du rock français, faisant office de backliner pour la « troupe », le fait de l’apercevoir et de le voir « tripper » au son des ses chouchous ne faisant qu’accroitre le plaisir du moment.
Balafrées par la gratte incisive de Parypa, zébrées par le sax de Lind, free et racé à la fois, chantées soit par Dennis, soit par Roslie avec une intensité et une conviction démentielles, le premier des deux se lançant dans de petites courses ardentes à travers la scène, et charpentées par la frappe imprenable de Johnson, les chansons du quintet emportent tout sur leur passage, avec classe et force dans un même mouvement, et donnent l’impression d’effectuer un retour en arrière somptueux.
Sonics
La liste est d’ailleurs impressionnante, entre Psycho et Strychnine en passant, faisons court, par The witch, Do you love me ou l’énorme Have love will travel. Et dans le genre, on pourrait presque dire que personne n’a fait mieux, entre garage, colère punk et mélodies soignées, choeurs fringants et un sens du twist, émanant des « keyboards », décisif.
Les Sonics, communicatifs et visiblement très heureux de se retrouver sur scène, effectuent une démonstration de savoir-faire, de prestance dans le genre ou plutôt les genres, et démontrent avec brio que le poids des années n’a en rien altéré la valeur de leurs compos, entre rock frontal à la Good golly miss Molly et blues-rock façon Night time is the right time (pour le coup, l’expression se justifie amplement), sans parler de Boss hoss, entre autres pépites maison.
On ose à peine y croire, mais on y est et une forme de fierté envahit le spectateur, de même que l’impression d’être un privilégié, laquelle ne s’atténuera qu’au bout d’un certain temps et ne risquait surtout pas de retomber à l’issue de ce concert qu’on verrait bien suivi, à la rentrée, par un autre du même genre. Le 106 ayant le chic pour équilibrer sa programmation entre révélations déjà « montantes », découvertes moins avancées et noms connus, voire scène plus « locale » (les plus que recommandables « 106 Experience ») avec à chaque fois, au bout du compte, la certitude de passer un moment intense et de taille.
Superbe évènement, donc, avant les K’s Choice et autres Sepultura, auxquelles s’adjoindront d’autres surprises « de rentrée » dévoilées par cette salle dont l’existence et la programmation font un bien fou à toute la région proche et plus étendue.
Photos William Dumont/Stéphane Lazreg.