Les Hushpuppies avaient déjà enflammé l’ancien entrepôt de bananes de Saint-Leu au moment de leur inaugural et excellent The trap et de ce fait, leur retour en terres amienoises était très attendu. La troupe d’Olivier Jourdan étant affublée d’une réputation scénique établie et forte de trois disques de haute volée, dont le petit dernier The bipolar drift, tous les ingrédients étaient réunis pour passer une soirée à retenir, amorcée par les parisiens de John Morillion, duo folk non dénué de charme et d’atouts musicaux.
John Morillion
Cette paire ouvre donc le bal dans cette formule à deux, John précisant d’emblée au public que de façon habituelle, c’est en trio que le groupe évolue. Cela se remarquera car les morceaux des deux acolytes, s’ils possèdent incontestablement un attrait folk et une élégance pop à prendre en compte, manquent pour l’heure de coffre, de tranchant aussi, seul le dernier titre, mordant et enlevé, affichant ce rugueux si appréciable et qui vient étoffer avec bonheur le répertoire des musiciens. On ne retrouve guère l’allant pop-rock, la folk remuante de Love it all, le premier album datant de 2010, mais l’accroche de titres comme Scream it as you mean it fait passer la pilule, conjuguée à l’obscurité et la mélancolie d’un Such a light soul. On aimerait cependant voir John Morillion évoluer vers une formule plus étoffée, plus rageuse tout en gardant intact cet impact folk qui est le sien, et on ressort avec plaisir d’un set donc « peaufinable » mais agréable à l’écoute, qui titille la curiosité quant à la suite que le groupe donnera à son aventure. La sincérité du bonhomme, le joli binôme formé avec son compagnon de route laissent en tout cas augurer de belles aptitudes, et à peine a t-on le temps de méditer sur sa prestation que les Hushpuppies déboulent.
Hushpuppies
Chauds comme la braise, les nouveaux copains de jeu du bassiste Marc Zory-Casali balancent d’entrée un Open season de feu, puissant, cadencé, pop en sa fin et kraut dans son développement, et font monter en pression un public d’abord timide, puis emporté par le charisme du leader et un répertoire impeccable. The bipolar drift sera d’ailleurs joué dans son intégralité et passe plus que bien l’épreuve du live, élégance pop et instant d’un krautrock étincelant alternant, ou cohabitant, pour un set fulgurant, remonté, peut-être bien l’un des plus marquants de ces derniers temps sur les planches de la Lune.
Hushpuppies
Si on ajoute à cela des perles telles que Bassautobahn, A trip to Vienna, Moloko sound club, l’énormissime Bad taste and gold on the doors et ce You’re gonna say yeah! génial (et le bougre a raison, on dit oui, mille fois oui, à ce set qui « déglingue tout »), un 1975 évoquant une naissance dans les 70’s, et un final à la fois noisy et fait d’un krautrock déstructuré, on obtient un nouveau temps fort vécu par le public amienois, encore une fois privilégié.
Hushpuppies
Les « Hush » jouent compact mais de façon claire et distincte, avec une intensité jamais ébranlée, et justifient amplement leur statut de groupe imprenable en live, quand bien même la formule n’a que peu évolué depuis les débuts du groupe. Mais elle est sienne, originale et diablement efficace, riche en morceaux significatifs, et on sent que les Hushpuppies ont pris la mesure d’un univers méritoire. Ils affichent de plus une bonne humeur et des mimiques de celles qu’on retient, à l’image d’Olivier s’amusant vainement à tenter de s’en prendre à d’imaginaires géants sur Every night I fight some giant et sa pop lunaire magnifique. Il se jettera aussi à plusieurs reprises dans l’assistance, démontrant à l’instar de ses collègues un plaisir et une énergie que la foule finira par partager et s’approprier, dans une belle symbiose avec le quintet. Lequel nous réjouit aussi en usant des riffs de Stop ou de ses embardées impulsées par la section rythmique comme celle qui anime Zero one ou les imparables Frozen battle et A dog day. Olivier parachevant le tout de son chant enthousiasmant.
Hushpuppies
Un concert qui éveille et bouscule les sens, taillé dans un rock de caractère, tant avenant que batailleur, à l’issue duquel on ressort heureux et bousculé, avec en tête les paroles de l’excellent Okinawa living wage: Bring me back my senses, bring them back to me….
Hushpuppies
Photos William Dumont/Elodie Liénart