Après une prestation marquante au Grand Mix, interview d’un de nos groupes-
phare, signataire d’un Erostrate captivant.
1. Pour commencer et en revenir votre premier album, pour moi révélateur, avez-vous été surpris par l’engouement autour du groupe au moment de sa sortie?
On a été surpris c’est vrai heureux d’avoir quelques bons retours et lors de la sortie de Shoo Straight Shout. Surtout, c’est agréable d’être soutenu par certains webzines (qui nous avaient aidés lors de la sortie de notre premier EP d’ailleurs) et même quelques magazines sans avoir la force de frappe de com que peuvent avoir les plus gros labels. Pour cette sortie, Optical Sound n’ayant que très peu de budget, nous avons payé quasi intégralement le travail de com autour du disque. Il est vrai que d’avoir du résultat ne pouvait être qu’encourageant.
2. Avez-vous eu la sensation, sur ce premier opus, d’être parvenus à créer un univers d’ores et déjà très personnel?
Il est dans le prolongement de notre premier EP, sur lequel il n’y avait pas encore de batterie. Dans le premier EP, nous avions la volonté de mélanger des sonorités acoustiques de l’électronique. Je ne pense pas que ce soit ça qui fasse la singularité notre projet, même si ça en fait partie. Lorsqu’on compose, on recrache forcément un petit peu de tout notre background, mais c’est justement grâce à diversités des choses que nous apprenons que nous essayons de constituer quelque chose de nouveau. Si en composant, nous faisons quelque chose de trop empruntant on essaiera de retravailler le morceau jusqu’à ce qu’il acquière notre propre identité. Idem, si un morceau devait trop ressembler à un autre de nos morceaux, c’est important pour nous que chaque chanson ait sa propre histoire, son propre univers.
3. Sur le plan scénique, est-il aisé de reproduire les morceaux, riches, de vos deux disques?
Non effectivement, ce n’est pas toujours facile. Lorsqu’on reproduit nos morceaux pour le Live, on est souvent obligé de tout retravailler et parfois de réadapter des titres. Sur disque, on peut se permettre des subtilités qui malheureusement peuvent parfois disparaître en concert, on essaie constamment d’insuffler une autre énergie aux titres tout en gardant au maximum leurs esprits originels. L’ordinateur ne nous laisse pas beaucoup de place pour l’improvisation, cependant nous l’avons complètement intégré il n’est pas du tout une contrainte.
4. Quelle importance accordez-vous aux réactions « journalistiques »? Elles sont unanimement élogieuses, n’est-ce pas légèrement déstabilisant?
Nous essayons de garder une certaine distance par rapport aux réactions de la presse, car même si elles peuvent être parfois élogieuses, ce n’est pas du tout une fin en soit. Depuis le début de Cercueil, nous faisons presque tout par nous même et avons vraiment construit le projet pas à pas. Nous essayons avant tout d’être fidèles à nos envies et d’être honnêtes dans ce que nous faisons. Chaque journaliste va juger le projet d’un moment donné sans faire forcement un travail d’investigation autour de notre parcours (d’ailleurs on a souvent droit au raccourcit Cercueil=Gothique) et il le fera en fonction de son background personnel et de ses propres références. Pensant à tout cela permet toujours de relativiser les critiques, qu’elles soient d’ailleurs bonnes ou mauvaises.
5. Dans le prolongement de la question précédente, quels sont les rapports que vous entretenez avec le public, et comment réagit-il, de façon générale, à ce que vous mettez en place?
J’ai le sentiment qu’il y a encore un gros travail à faire de ce point de vue même si nous avons eu de bons retours au niveau de la presse. Notre premier album par exemple n’a presque pas été distribué. Nous restons encore confinés plus souvent dans un petit réseau indépendant à aire des premières parties.
6. Avez-vous, dans votre environnement musical, des influences ayant agi de manière prenante sur le style que vous développez?
Ce serait très difficile et réducteur de citer tel ou tel groupe comme une influence majeur pour nous. Nous avons certes des affinités musicales qui peuvent se ressentir dans notre musique, mais c’est principalement un gros melting pot qui comprend autant la musique, que la littérature, le cinéma ou les arts plastiques, essayant de lui apposer notre touche et notre sensibilité propre. Alors en vrac on citera Peter Greenaway, Cassavetes, Matthew Barney, After Dinner, Black Dice, Simone de Beauvoir…etc…etc…
7. Comment définiriez-vous, justement, ce style qui vous est de toute évidence propre?
Dark zouk, Pop Core, Happy Death, Cold Funk…
8. De quelle façon opérez vous, dans le groupe, au niveau de l’écriture et de la composition?
On commence souvent par triturer des sons sur nos synthés analogiques, ou guitares et lorsqu’une ambiance se dessine ou que de la matière qui nous intéresse se crée nous enregistrons ces premiers morceaux. Suite à ça nous structurons un squelette d’ordinateur en y adjoignant des rythmiques électroniques. Une fois cette première approche nous recherchons souvent à jouer en Live avec cette matière, soit en reproduisant des guitares ou des synthés soit en y rajoutant d’autres. C’est généralement au même moment que la voix vient poser des premières mélodies. Ensuite quand la structure est bien établie, nous donnons les morceaux à Olivier pour qu’il trouve sa rythmique à la batterie aux rythmiques électroniques.
9. La première partie d’Alan Vega, maintenant très proche (ou passée, étant donné qu’elle se tient le 26 février), constitue t-elle pour vous une forme d’aboutissement?
C’est certain on était très heureux de jouer avec lui car Suicide est vraiment un groupe que nous apprécions beaucoup et qui a eu une réelle influence dans le domaine de la musique électronique. On ne va pas non plus dire qu’il s’agit d’un aboutissement car on aimerait bien ne pas s’arrêter mais ce sera un très beau souvenir et une très belle expérience dans la vie du groupe.
10. Comment s’est déroulé l’enregistrement d’Erostrate? Ne vous êtes-vous pas retrouvés, suite à un Shoo straight shout de haute volée, sous le joug d’une certaine pression?
Nous n’avons vraiment pas eu de pression en arrivant ou en enregistrant Erostrate, nous avions des intentions que nous n’avions pas encore concrétisé et que nous avons pu essayer sur ce disque. Nous cherchons avant toutes choses à pouvoir nous identifier à notre musique, et qu’elle corresponde à nos attentes du moment. En studio avec Ali Chant, nous étions vraiment à l’aise, il était à l’écoute de nos envies et avait tout le temps de nouvelles idées pour expérimenter des choses. Il a su apporter je pense sa touche personnelle tout en respectant la notre.
11. Le résultat correspond t-il entièrement à vos attentes?
C’est toujours très difficile d’être entièrement satisfait, notre façon de travailler peut créer parfois du regret ou de la frustration. On travaille, il est vrai un petit peu dans l’urgence. Pour ce nouveau disque par exemple, nous avions bien quelques touches de travail avant de nous y mettre, mais quand nous avons bloqué durant la période d’enregistrement pour septembre 2010 en juin, nous avons finalement tout remis à 0 et n’avons gardé aucune de nos touches. Donc en un peu moins de 3 mois nous avons composés et arrangés des morceaux, ne leur laissant presque pas de temps pour murir. Malgré tout ça nous convient bien de travailler comme ça il y a plus de spontanéité si parfois avec du recul nous aurions changé tel ou tel passage (ce que nous nous permettons de faire par la suite pour les concerts). L’album est comme une photographie d’un moment donné; il reste figé et nous nous continuons notre chemin.
12. Pouvez-vous nous éclairer sur le choix de ce titre, « Erostrate »?
Il nous a fallu donner un titre un peu dans l’urgence et le nom qui au départ ne devait être que provisoire a finit par rester. Erostrate est le nom de celui qui a mis le feu au temple Artémis à Ephèse, dans le seul but de devenir célèbre. Les Ephésiens ont bien tenté d’interdire de citer son nom, mais il semblerait que cela n’ait pas été efficace. Il s’agissait surement d’un des premiers Buzz de l’histoire ! C’est aussi une nouvelle de Sartre qui se trouve dans le recueil le mur et c’est au départ par là que le nom était arrivé dans nos oreilles.
13. Que vous a apporté le passage d’Optical Sound au Son du Maquis, structure reconnue pour son « flair » s’agissant des groupes et styles hébergés en son sein?
Nous aimions et nous aimons toujours beaucoup Optical Sound. C’est un petit Label certes, mais d’une belle qualité. Pierre Beloin l’envisage plus comme une collection. Le passage au Son du Maquis, même si cela reste un petit label indépendant, nous permet quand même d’avoir une meilleure visibilité. Le son du Maquis bénéficie clairement d’un certain prestige pour avoir sortie quelques pointures ou grands classiques (Alan Vega, Lydia Lunch, prochainement Cluster…) tout en restant ouvert à d’autres découverte (Hifiklub, Boy and the Echo choir…).
14. Existe t-il des groupes, en France ou ailleurs, pour qui vous éprouvez un certain intérêt ou, éventuellement, le désir de collaborer?
Pour le moment avec Cercueil nous avons eu l’occasion de collaborer avec le groupe Cerberus Shoal et aussi Nick Littlemore (Pnau, Empire of the Sun). C’est vrai qu’on aimerait beaucoup refaire ce genre de choses mais pour le moment nous n’avons rien mis en route…
Les remix sont aussi un peu une façon de collaborer, par exemple, Wagner et Mark Lion on tout deux remixé des titres de notre nouveau disque. Nous avons travaillé sur un remix du groupe anglais Seeland (Loaf recording) et avons d’autres remix en chantier.
Le premier projet pour nous à court terme est de réaliser un maximum de concerts en France et en Europe. Nous sommes aussi impatients de nous mettre à composer le prochain album. Sinon si c’était possible, on serait très partant pour jouer en improvisation libre avec Black Dice !