Le résultat est assez convaincant et l’opus, atmosphérique et pluriel dans les émotions suscitées, prend de suite dans ses filets, dès Room 72 et son post-rock haut perché, à la voix songeuse. Chaque titre stimule l’imaginaire en éveillant les sens, et le panel exploré charme musicalement autant qu’il « dérange » mentalement. On passe de ce post-rock à la trame de Room 80 et son « mix » entre voix réelles et samples de voix féminines, l’amorce se montrant imparable et le décor musical chatoyant sans tomber dans le mièvre ou l’inerte, loin s’en faut. La douceur est certes de mise, mais un arrière-plan troublé valorise l’ensemble et le parti pris du duo de s’en tenir à un cheminement post ne dénature en rien le rendu, assez varié et racé pour maintenir l’intérêt. Un crachin sonore presque shoegaze anime Room 69, une discussion animée puis des sons tourmentés ornent Hall et quel que soit l’endroit parcouru, le décor est de choix. J’en veux pour preuve Room 88 et ses percus très présentes puis effacées, avec ses sons obsédants et son envolée rythmique géniale, ou le brumeux Room 74, à la rêverie contagieuse et si le long format de Room 40 peut lasser, ses soubresauts et sa magnificence vocale et instrumentale en font un énième bon morceau, dans la continuité du reste.
On pourrait objecter que les voix sont un peu trop éparses, mais le procédé les met en valeur et la seule critique négative à adresser à l’opus serait peut-être de s’en tenir à des canevas souvent sages, aux sautes d’humeur rares. Toutefois, la beauté du tout estompe ce constat et si Rooms ne révolutionne rien, le concept est ingénieux et le disque apporte sa contribution, estimable, à l’univers de la musique contemplative.